Home Culture Livre : Modeste Elenga, du micro à la plume

Livre : Modeste Elenga, du micro à la plume

0
Modeste Elenga

Dans la profusion des écrits qui arrivent chaque mois sur le marché au Congo, tout n’est pas à hisser au rang de bestsellers, loin s’en faut. Mais le Congo sort d’une misère éditoriale grâce à l’installation ici et là de maisons d’édition qui ne se cantonnent plus seulement à Brazzaville. A Pointe-Noire, et aussi en France sous l’impulsion de Congolais qui ont su capter une partie des ressources littéraires du pays, le Congolais se donne à lire.

Dans la presse, Modeste Elenga a lancé un petit livre succulent qui attire l’attention et invite à découvrir un contenu peu banal. Il y a dans l’univers de Modeste Elenga, Directeur de Radio Congo, un tricot d’intrigues qui se télescopent tout le temps. Si on n’y prend garde, on risque de croire les apparences qui jalonnent le chemin de ses intrigues et de les prendre pour argent comptant. Même le titre de son dernier roman sur lequel je me suis jeté est déroutant. «Parce que Christ ne savait pas lire»*. Le lecteur imprévu va saliver devant la perspective d’un essai, d’un traité théologique, d’un manuel de philosophie: rien de tout cela. Rien!

numerisation 1
La couverture du livre

Même en temps de Pâques, «Christ» n’est pas le Seigneur ressuscité mais un surnom, un diminutif. Plus à l’aise dans son gang de koulouna que sur les bancs de l’école où les tragédies de la vie ne l’ont pas maintenu, le pauvre garçon sur lequel tout le quartier bruit des rumeurs les plus sordides ne rêvait que de respectabilité et d’amour. Même au quartier, Christ n’est pas Christ: on lui a définitivement tressé la couronne d’anti-héros, sous d’épervier, chef de bande.
Qui saura jamais ce qui trotte dans la tête même des brigands les plus sanguinolents. Christ ne rêvait que de respectabilité et d’amour. Mais chaque fois qu’il se mêle à une communauté, de village ou de quartier, le destin le renvoie dans les cordes. Si ce n’est pas par la mort d’une maman qui l’adorait, c’est par la méchanceté des tantes qui ont mieux à faire qu’à avoir la patience d’éduquer un voyou.
C’est ainsi qu’il arrive en ville. Et qu’après moult péripéties, il rencontre Vinedi. Prénom peu banal pour une fille ordinaire déjà ciblée par les sans foi ni loi du quartier, jusqu’à ce Christ mette de l’ordre dans tout cela. De l’ordre dans le respect, malgré les commérages et les craintes des parents qui n’entendent pas que leur enfant soit la proie d’un pirate.
Modeste sait raconter ce qui arrive, mélange de ses souvenirs d’enfance et de ses aventures de chef de gang, de sa culture ancestrale. Christ restera de bonne tenue aussi, toujours strict dans sa discipline personnelle. Quand Vinedi sera enceinte, ça ne sera pas de lui… Déchirure, incompréhension, perspectives de retrouvailles peut-être. Mais surtout deux mondes qui s’éloignent, avec une Vinedi qui est allée à l’école et un Christ «qui ne savait ni lire, ni écrire»!

A.S.MIANZOUKOUTA

• «Parce que Christ ne savait pas lire», roman, 198 pages. Editions Okera, Brazzaville 2024. Préface d’Obambé Gakosso et Guy-Armand Mampassi

Quitter la version mobile