Home Editorial Naufrage d’une Nation

Naufrage d’une Nation

0

La mort de 31 jeunes lundi soir au stade d’Ornano reflète une situation de faillite avérée de notre pays. Les jeunes avaient voulu se faire enrôler dans les rangs de l’armée. C’est donc une recherche effrénée de travail, plutôt qu’une quelconque fibre patriotique qui les a conduits dans cette caserne exiguë. Si les jeunes sont capables d’aller à l’assaut des recruteurs à 1heure du matin, c’est tout simplement parce que le pays n’a pas d’emploi à leur offrir.
C’est parce que l’armée et la police semblent désormais les seules qui garantissent aux jeunes, le plus souvent diplômés, un poste de travail stable. Il fut un temps, dans les années 1970, où les jeunes se révoltaient quand ils étaient orientés vers l’armée. D’ailleurs, on n’y envoyait de force que les « têtes fêlées » des lycées ou de l’unique université ! En quelque trois décennies, ce que l’on repoussait avec dédain semble avoir repris de la valeur et une force d’attrait. Plus par la nécessité et le désespoir.
L’affluence du nombre de prétendants à un emploi, supérieur aux prévisions, est le signe que notre jeunesse est vraiment désespérée. Dommage qu’il ait fallu un drame effroyable pour le comprendre. Pourtant les signes avant-coureurs étaient et sont là : beaucoup de chauffeurs de mototaxis ou de taxis sont des jeunes diplômés. Beaucoup de demandeurs d’emploi, de candidats à l’exil sont des jeunes. Tout comme les membres de gangs sont majoritairement des jeunes : débordement de la jeunesse par le désœuvrement.
Pour un pays de 5 millions d’habitants, perdre 31 compatriotes, jeunes, est vraiment une honte qu’on ne saurait traiter à la légère. Y en aurait-il seulement un, le Congo ne pouvait s’exempter de s’interroger sur ce à quoi servent nos fabuleuses retombées financières issues du pétrole. Assurer des obsèques décentes aux décédés est le minimum que nous pouvions faire. Mais ce sont la corruption éhontée, le favoritisme ethnique, la désorganisation, l’amateurisme et une légèreté à considérer la vie des personnes qui ont conduit au drame du 20 novembre. Nous n’en sommes pas sevrés. Nous ne sommes même pas préparés à nous en faire la simple autocritique.

Albert S. MIANZOUKOUTA

Quitter la version mobile