Faut-il se réjouir que la restauration, partout, de l’autorité de l’Etat soit érigée en mantra chez tous nos ministres, à commencer par le premier d’entre eux? Faut-il constater qu’il y a bien un déficit d’autorité dans un pays où les milliards peuvent changer de poche et ne procurer aucune remarque contre l’audacieux à la main leste? Faut-il s’étonner, s’affliger ou se désespérer que les plus beaux discours de l’Etat n’aient produit jusqu’ici que la ritournelle de la condamnation verbale?
Nous avons parlé de développement autocentré et autodynamique, nous avons parlé d’économie inclusive, de lutte contre les antivaleurs, de villages agricoles: tout cela, pour nous ramener au fort rappel par Mgr Ernest Kombo de l’impératif du Décalogue, même en politique. Tu ne tueras point, tu ne voleras point, tu ne mentiras point. Mais de quelque manière que nous la déclinions, cette liste raccourcie des Dix Commandements n’a vraiment jamais pris. Les adhésions ont toujours été de surface.
C’est pourquoi le nouveau Premier ministre, avec sa volonté de souligner que l’Etat n’a pas eu suffisamment de volonté de s’investir dans tous les domaines de nos vies citoyennes, vient s’inscrire à la suite d’une liste déjà longue de «proclameurs» véhéments. Que les hirondelles nous donnent à voir enfin des printemps au concret! Dire, le Congolais sait le faire; c’est faire qu’il ne parvient pas toujours à réaliser.
Mais, ne donnons pas l’impression que les politiques sont les seuls en cause. Que les bonimenteurs ne sont que les seuls membres des gouvernements: nous sommes, tous, englués dans la culture de la double parole, de la règle appliquée aux seuls autres, du dribble réussi et qui cesse d’être un dribble, tant que ça peut rapporter. Le Premier ministre se trouve à un poste incommode: tous les yeux sont braqués sur lui désormais. Même ceux qui ont volé dans les gouvernements précédents vont être ses contempteurs moralistes, ses plus féroces pourfendeurs sur le terrain de l’autorité de l’Etat.
Alors, que souhaiter: un Premier ministre qui nous laissera vaquer à nos petites magouilles comme toujours depuis la nuit des temps, ou un père fouettard qui, pour le coup, secouerait le cocotier et tant pis sur qui va tomber la noix? Nos espoirs ne sont pas dans la seule fermeté, mais aussi dans la volonté manifeste de réveiller la loi pour la mettre, enfin, au service du citoyen. Que les puissants intimidateurs ne s’en tirent pas toujours à bon compte. Pas de chasse aux sorcières, mais pas de complaisance invétérée non plus.
La tâche n’est pas facile, d’autant moins que le Premier ministre d’aujourd’hui est aussi le ministre d’hier. Les critiques sur la gabegie, la corruption, l’impunité et d’autres qualités rares contre le Gouvernement précédent le touchent aussi. Le tour de force sera d’opérer une mue et de ne pas se faire tout gentil, tout rassurant et conciliant avec les collègues d’hier. Dans «autorité de l’Etat», tous les mots comptent.

Albert S. MIANZOUKOUTA