Ce qui se passe au Sénégal nous désarçonne littéralement. En Afrique Centrale nous connaissions un Sénégal stable, réussissant ses alternances, dans le respect de ses Constitutions. Mais depuis Dimanche, il semble que nous devions réviser nos critères d’appréciation. Nous assistons à l’écroulement d’un modèle souvent cité en exemple. A la surprise de beaucoup, le Président Macky Sall a annulé le processus électoral qui prévoyait la présidentielle pour le 25 février. Annulée et repoussée au 25 décembre selon la volonté des députés de son seul camp!
L’opposition, scandalisée, parle de «coup d’Etat constitutionnel. Et de citer les nombreuses affirmations antérieures de Macky Sall et qui contredisent aujourd’hui Sall Macky. La majorité présidentielle, quant à elle, explique qu’il ne s’agit pas de porter une entorse à la Constitution ou de briguer un troisième mandat mais d’y apporter un simple ’ajustement structurel”». A ce jeu-là, les mots sur lesquels on se base pour condamner les agissements du présent peuvent être étirés à l’infini, au point d’annuler le passé et ses engagements.
La majorité ne parle pas de contourner la Constitution, mais de créer les conditions futures d’une élection apaisée, qui ne débouche pas sur une contestation ou des violences. Entre craintes de l’avenir et assurances pour le présent, l’Afrique de l’Ouest est entrée dans la zone de turbulences qui nous est familière en Afrique Centrale. Nos Constitutions y sont souples, et nos mandats élastiques. Curieusement, c’est l’Afrique de l’Ouest qui a recouru plus régulièrement ces dernières années aux coups d’Etat (même si le Gabon, en août dernier, a lui aussi installé des militaires au pouvoir – sans effusion de sang, s’empresse-t-on de souligner comme une particularité de l’Afrique Centrale).
Le Sénégal va-t-il entrer dans le cycle de l’agitation politique? Personne ne saurait le jurer. En tout cas, la décision du Président Macky Sall de rabattre les cartes, à quelques heures de l’ouverture de la campagne électorale, ne plaide pas pour une poursuite paisible des us et coutumes de la démocratie sénégalaise telle qu’elle nous y a habitués depuis 1963. C’est lui que nous devrions suivre; nous nous étonnons d’avoir à lui servir de modèles.

Albert S. MIANZOUKOUTA