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COHABITATION HOMMES-ELEPHANTS EN AFRIQUE CENTRALE : Des expériences fructueuses, mais pas toujours durables

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Vue d'un pachyderme

Quelles solutions efficientes et durables à la difficile cohabitation entre humains et animaux et plus singulièrement les éléphants? Si au Congo-Brazzaville, les barrières électriques produisent des résultats encourageants, l’expérience n’est pas sans limites. Et dans d’autres pays comme le Cameroun, le bout du tunnel semble encore bien loin.

Parc national Odzala-Kokoua, dans le département de la Cuvette-ouest, au nord du Congo-Brazzaville. Pour favoriser les conditions d’une cohabitation pacifique entre humains et éléphants, le parc a érigé des barrières électriques.
C’est le projet «Elanga» mis en œuvre par l’ONG américaine Wildlife conservation society (WCS). Elle commence déjà à produire des résultats encourageants. Comme au village Bomassa où 59 familles jouissent désormais de cette forteresse anti-éléphants. «Avant, on souffrait pour nos plantations qui étaient souvent dévastées par les éléphants. Avec l’arrivée du projet Elanga, aujourd’hui dans le village Bomassa nous avons en permanence le manioc, les arachides, la banane et bien d’autres vivres», s’est réjouie Louise Ngouengué, mère de famille.
L’initiative de Bomassa a été reprise dans d’autres localités du parc, telles que Ntokou- Pikounda. Au niveau de la sous-région Afrique centrale, lors de la réunion des trois aires protégées de Lobeké au Cameroun, Dzanga-Sangha en Centrafrique et Nouabale Ndoki au Congo, du 7 au 11 juin 2022 à Bayanga (RCA), il a été recommandé que l’expérience de Bomassa soit documentée et partagée aux autres aires protégées afin qu’elles aussi, de leur côté, voient comment elles pouvaient, selon leur contexte, l’appliquer.
Déjà au niveau du Tri-national la Sangha (TNS), le processus est en cours. «Nous recevons toujours des appels et mails des amis de Djanga-Sangha avec lesquels on partage les informations sur le modèle de Bomassa, sur le design que nous développons ici. Nous recevons beaucoup d’appels», explique Cisquet.

PNCD: Mvandji en sécurité dans l’arche de Noé
Et à quelque 800 km au sud-ouest, une expérience quasiment similaire produit presque les mêmes résultats. «On n’a plus de problèmes avec les éléphants». C’est la réponse qu’Alphonse Makosso donnerait à quiconque l’interrogerait sur la cohabitation entre humains et éléphants à Mvandji. Le secrétaire général de ce village du district de Nzambi dans le département du Kouilou fait allusion aux champs protégés aujourd’hui dans la Zone agricole protégée (ZAP).
Mais pas de confusion avec la ZAP du ministère de l’Agriculture qui regroupe des agriculteurs dans une zone afin de booster la production agricole.
Cette ZAP est une initiative de l’ONG française Noé en charge du parc national Conkouati-Douli (PNCD) depuis 2021 après le départ en 2018 de WCS. C’est un regroupement de paysans au sein d’un périmètre protégé par une barrière électrique afin de repousser les éléphants qui dévastent les cultures, rendant ainsi la vie difficile à la trentaine de villages des districts de Nzambi et Madingo-Kayes situés à l’intérieur ou à la périphérie du PNCD.
Érigée en décembre dernier, la ZAP de Mvandji est une expérience pilote. Et le mécanisme fonctionne déjà. «Pour l’instant, les champs de cette ZAP sont épargnés, puisque les éléphants ne pénètrent plus dans cet espace», se félicite Christiane Bouity-Matoumba, agricultrice une des bénéficiaires de la ZAP.
L’expérience pourrait s’étendre à d’autres villages «si elle continue de produire les résultats positifs», a dit Modeste Makani, responsable en charge du développement communautaire au sein de Noé.
Campo et Messok-Ngoyla: dure est la loi des géants de la forêt!
Au Cameroun, le problème se pose dans les localités de Campo, dans le sud du pays frontalière de la Guinée équatoriale et Messok-Ngoyla à l’Est. Ces zones sont considérées ces dernières années comme des épicentres de cette coexistence conflictuelle entre l’homme et les bêtes sauvages.
En cause, les animaux des parcs nationaux de Campo Ma’an et de Nki qui abandonnent leurs espaces naturels pour pénétrer dans les villages à la recherche de la nourriture en détruisant champs et plantations et s’attaquant même parfois aux hommes.
Parmi les animaux mis en cause, les éléphants, les rongeurs dont les hérissons et les primates parmi lesquels les gorilles et les guenons. Comme si les feuilles et les fruits sauvages ne suffisaient pas, ces animaux pour répondre à leurs besoins colossaux en nourriture, s’attaquent aux cultures des humains: bananiers, maniocs, cacaoyers, pistaches,….Toutes les cultures ou presque finissent désormais dans leurs volumineux estomacs.
Plusieurs facteurs sont évoqués. Le cas de l’augmentation de la population d’animaux, résultat d’une conservation «réussie», selon Nkouom Metchio Cyrus, conseiller municipal de Ngoyla et de la proximité avec les parcs.
Si au Congo-Brazzaville on peut se satisfaire d’un début de solution, le problème demeure entier au Cameroun. Et même les barrières électriques sont loin de constituer des solutions durables, car des experts expliquent que les éléphants s’adaptent facilement à toutes les éventualités.
Avec l’abattage ordonné récemment par les autorités gabonaises, il faut aussi redouter la multiplication des migrations de pachydermes vers les pays limitrophes comme le Cameroun, le Congo-Brazzaville ou la Guinée équatoriale et même au-delà. Ce qui aggraverait significativement le problème. Comme quoi, le problème demeure un rocher de Sisyphe dans le bassin du Congo.

John NDINGA NGOMA
(Avec l’appui de Rainforest Journalism Fund en partenariat avec Pulitzer Center).

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