Il vient de se tenir en Guinée Equatoriale une très importante réunion des Evêques d’Afrique centrale. A la faveur de la 12è assemblée générale de leur association régionale, l’ACERAC, les Evêques catholiques ont décidé d’affronter un thème qui ne fait pas souvent l’actualité sous ces latitudes: l’immigration. Le thème est assez peu banal par ici, au point que l’Africain du Centre prend de très haut la «témérité» de son cousin d’Afrique de l’Ouest et du Nord qui, par pirogues et canots entiers se lance contre la forteresse devenue imprenable de l’Europe.
Ils reviennent d’où ils sont partis en forme de refoulés, de cercueils, de cadavres sans épitaphes rejetés par la Méditerranée. Plus de 3000 depuis le début de l’année, assure-t-on ; une véritable hécatombe en une décennie. Des flux de jeunes s’en vont chaque jour vers un ailleurs qu’ils estiment plus constructeur de l’être, moins égoïste et corrompu. Le phénomène est d’une ampleur inouïe. L’Afrique se vide littéralement de sa sève vitale et nous ne semblons rien vouloir faire pour contrer le phénomène.
Pour nous en Afrique centrale, ces foules immenses que nous découvrons à la télévision sous forme de victimes de violences à travers les frontières, ou sous forme de cercueils à aller réceptionner sous les pleurs de rigueur très tard dans la nuit à l’aéroport, semblent comme irréelles. Emotion. Mais c‘est tout. Jamais, dans notre vie de nation en devenir, nous ne prenons le temps pour réfléchir à un fléau qui dépasse le dicible mais qui nous affecte ou nous touchera tôt ou tard.
Les Evêques sont des hommes de Dieu qu’attristent un tel spectacle désolant. Mais ils sont également les citoyens de nos pays. Et ils veulent réfléchir aux mécanismes qui conduisent à une telle saignée de l’Afrique. Les solutions pastorales ne vont pas dans le sens d’accabler (et d’ailleurs qui: l’Etat, les parents, la société, les médias?) Comprendre, agir à la base. En famille, en paroisse, dans le quartier: le jeune qui veut tenter l’aventure à tout prix, s’exprime. Il dit que c’est là le seul espoir qui lui reste.
Or, veulent lui dire les Evêques du Congo, de Centrafrique, du Gabon, du Tchad, du Cameroun et de Guinée Equatoriale, rien ne se fera sans lui pour le bien de tous. Les Gouvernements qu’ils accablent, à juste raison, sont perfectibles. Mais il faudra toujours compter avec eux. Il ne s’agit pas de proposer des solutions de paroles, il s’agit d’entamer un vrai parcours de mutation ensemble: l’herbe n’est pas toujours plus verte de l’autre côté du mur.

Albert S. MIANZOUKOUTA