Le Gouvernement sud soudanais a déclaré pour la première fois l’état de famine dans plusieurs zones du pays, une situation que les agences humanitaires déplorent d’autant plus qu’elle est causée par l’homme, par la guerre qui ravage le pays depuis plus de trois ans.

Plusieurs zones de la région d’Unité (Nord) sont désormais «classées comme étant en famine ou courant le risque d’être en famine», a déclaré le président du Bureau national des statistiques, Isaiah Chol Aruai, se fondant sur l’échelle IPC, le critère le plus utilisé pour classifier la sécurité alimentaire.
Trois organisations des Nations unies, le Fonds pour l’enfance (UNICEF), le Fonds pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), ont lundi dernier indiqué que 100 000 Sud-soudanais de la région d’Unité souffraient de famine, le niveau le plus élevé de l’échelle IPC. Environ 1 million de Sud-soudanais risquent par ailleurs la famine dans les prochains mois.
La guerre au Soudan du Sud, dans laquelle des atrocités ont été attribuées aux diverses parties au conflit, oppose principalement les troupes du président Salva Kiir, d’ethnie dinka, aux hommes de l’ancien vice-président Riek Machar, issu de l’ethnie nuer. Les Nations unies ont mis en garde contre un risque de génocide. La région pétrolière d’Unité, une région nuer d’où est originaire Riek Machar, est une des plus touchées par le conflit.
«Les effets à long terme du conflit, couplés aux prix élevés de la nourriture, à la crise économique, à une production agricole réduite et à un accès réduit aux moyens de subsistance» ont pour conséquence que 4,9 millions de Sud-soudanais (sur un total de 11 millions d’habitants) sont désormais classés dans les trois niveaux supérieurs de l’échelle IPC, selon Isaiah Chol Aruai.
Un ensemble de critères techniques sont retenus pour définir une situation de famine. Ils sont regroupés dans un «cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire» (IPC), qui est le critère le plus utilisé, notamment par les Nations unies. L’IPC distingue cinq phases possibles dans la situation alimentaire d’un pays, la cinquième étant celle de «catastrophe/famine». Quand plus de 20 % de la population d’une région est en «catastrophe», que le taux de mortalité est supérieur à deux personnes pour 10 000 par jour et qu’une malnutrition aiguë touche plus de 30 % de la population, l’état de famine est déclaré.
Selon Eugène Owusu, coordonnateur des affaires humanitaires de l’ONU pour le Soudan du Sud, «la plus grande tragédie du rapport publié aujourd’hui, c’est que le problème a été causé par l’homme, regrettant par ailleurs que le travail des agences humanitaires soit compliqué par le conflit». Le représentant de la FAO au Soudan du Sud Serge Tissot a pour sa part fait savoir que «la guerre a perturbé l’agriculture. Les gens ont perdu leur bétail, même leurs outils agricoles. Depuis des mois, les gens dépendent entièrement des plantes et des poissons qu’ils peuvent trouver».

Alain-Patrick MASSAMBA