Il s’est tenu du 28 au 29 novembre 2023, la deuxième table ronde de Paris (France) pour le financement des projets intégrateurs de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac). En sa double qualité de président de l’Union monétaire de l’Afrique centrale (UMAC) et du Comité de pilotage du programme des réformes économiques et financières de la Cemac, le ministre de l’économie et des finances, M. Jean-Baptiste Ondaye, y a pris une part active. Dans l’entretien ci-dessous, il nous en fait le point.
*Monsieur le Ministre, pourriez-vous nous faire la genèse du processus de recherche des financements auprès des bailleurs de fonds en vue de réaliser des projets structurants et intégrateurs de la CEMAC
**J-B Ondaye: Pour faire face au triple choc pétrolier, sécuritaire et sanitaire qui a gravement affecté nos économies depuis 2014, la conférence des chefs d’État de la Cemac a défini une stratégie régionale de sortie de crise au cours des sommets de 2016, 2019 et 2021, dont la mise en œuvre a été confiée au programme des réformes économiques et financières de la Cemac, placé sous la présidence dédiée du Président de la République du Congo, Son Excellence Monsieur Denis SASSOU N’GUESSO.
C’est ainsi que les chefs d’État ont adopté à Yaoundé, le 22 novembre 2019, un premier programme de onze projets intégrateurs prioritaires, sélectionnés par le Comité de pilotage du PREF-CEMAC sur la base de critères objectifs de maturité et de bancabilité. Ce programme a été présenté à la première table ronde organisée à Paris, les 16 et 17 novembre 2020.
Cette table ronde a connu un succès historique, non seulement parce qu’elle a rassemblé les États membres, les États amis, les partenaires techniques et financiers et les investisseurs privés au niveau le plus élevé, mais également parce qu’elle a permis de mobiliser près de 3,8 milliards d’euros pour un montant recherché de 3,3 milliards d’euros. Les financements des projets présentés étaient ainsi bouclés.
*Après cette mobilisation des fonds, quel est, aujourd’hui, le sort des projets de ce premier programme ?
**J-B Ondaye: Grâce au suivi constant mené par le Comité de pilotage du Pref-Cemac, avec l’appui déterminant des États membres, de la Bad, de la Commission de la Cemac, de la Bdeac et de la Banque mondiale, la mise en œuvre des projets intégrateurs de la Cemac connait, pour la première fois, un succès remarquable depuis l’adoption du programme économique Régional de la Cemac en 2011, malgré un contexte mondial marqué par les effets de la pandémie de la Covid-19 et de la guerre en Ukraine.
En effet, 80% des projets intégrateurs présentés à Paris en novembre 2020, ont effectivement démarré, enregistrant ainsi des avancées notables, moins de trois ans après la mobilisation des financements.
Les décaissements prévus ont été effectués par la Banque mondiale, la Bad, la Bdeac et Afrexim Bank au profit des États concernés et des entreprises sélectionnées, conformément aux accords de prêts et de dons dûment signés et ratifiés par les parlements nationaux suivant les cas.
La réalisation des travaux de construction de routes et des ouvrages d’art se déroule sans aucun incident au niveau des frontières des États membres concernés, grâce à l’appui des ministres de l’intérieur, de l’administration du territoire et de l’intégration. Les cellules d’exécution des projets sont déjà en place et fonctionnent sous la supervision conjointe des États membres et des bailleurs concernés.
*On est en droit de dire que pour un coup d’essai, c’était véritablement un coup de maître ! Et la suite ?
**J-B Ondaye:: Fort du succès du premier programme de projets intégrateurs, la 15ème session ordinaire de la conférence des chefs d’État a adopté sur proposition du Président de la République du Congo, et Président dédié du Pref-Cemac, une deuxième génération de treize projets intégrateurs prioritaires de la Cemac dont le coût total est estimé à 8835,875 millions d’euros.
La réalisation de ce programme ambitieux structuré autour de quatre axes stratégiques permettra l’atteinte des objectifs ci-après : la mise en place au sein de l’espace Cemac des infrastructures de base dans les secteurs des transports, de l’électricité et des télécommunications, sans lesquelles aucun décollage économique n’est envisageable ; le renforcement de la résilience des économies de la sous-région face aux chocs futurs ; le développement des échanges intra-communautaires pour garantir la sécurité alimentaire et tirer davantage profit de la Zone de libre-échange continentale Africaine (ZLECAF) ; la contribution à la lutte contre le réchauffement climatique, à l’amélioration de l’emploi et des revenus notamment des jeunes, des ruraux et des femmes ; et l’appui technique et financier aux industries de transformation locale des ressources naturelles, notamment le bois, et l’accélération de l’industrialisation des économies de la sous-région.
*Quelle est la moisson de la deuxième table ronde de Paris?
**J-B Ondaye: Le nouvel appel au financement des projets intégrateurs de la Cemac a eu un écho favorable auprès de nos partenaires. En effet, le montant total des financements mobilisés à cette table ronde s’élève provisoirement à environ 9209,95 millions d’euros, soit environ 104,2 % du financement attendu. Il se dégage ainsi un surplus de 374,8 millions d’euros, sans compter les promesses que confirmeront les partenaires financiers.
Mais, au-delà de ces chiffres, il convient de relever que notre communauté a acquis, aujourd’hui, grâce au Pref-Cemac, une solide expérience dans la coordination et la mise en œuvre des projets intégrateurs. Le succès du premier programme de projets intégrateurs prouve notre capacité opérationnelle à réaliser rapidement des projets régionaux. Les conditions sont ainsi réunies pour la protection des investissements étrangers en Afrique centrale et la réalisation de grands projets d’infrastructure dans l’intérêt bien compris de toutes les parties prenantes.
*Monsieur le ministre, en votre qualité de président du Comité de pilotage du PREF-CEMAC que vous inspire l’avenir de notre sous-région ?
**J-B Ondaye: La récente table ronde de Paris a mis en exergue le fait que la Cemac qui couvre un territoire de 3,02 millions de Km2 et compte environ 63,8 millions d’habitants, est une terre d’opportunités. Nos partenaires ont reconnu l’amélioration de la situation macroéconomique de la zone Cemac. Tous ont à cœur l’immense potentiel dont regorge notre sous-région à travers la jeunesse de sa population, la vitalité de son capital humain, ses terres arables qui s’étendent à perte de vue, ses écosystèmes diversifiés, ses abondantes ressources forestières et minières, ses immenses étendues d’eau et sa situation géographique privilégiée.
Nous sommes conscients de nombreux défis qui interpellent les États membres de la Cemac : défis d’ordre structurel, sécuritaire et environnemental. Mais, je demeure convaincu que grâce à la conjugaison de nos efforts, la mutualisation de nos moyens et l’appui de la communauté internationale, nous saurons relever tous ces défis et libérer le potentiel immense de développement que recèle notre sous-région.
