Encore une fois le Centre hospitalier et universitaire de Brazzaville fait parler de lui. Son intersyndicale critique vertement la gestion du directeur canadien sortant. Bien plus, les agents de santé du plus grand hôpital du Congo s’insurgent contre tout recrutement d’expatrié à la gestion de cet établissement que l’Etat en personne qualifie pourtant de corps malade…
La situation de cet hôpital interroge. Non que les revendications des syndications et leurs critiques de la vétusté du matériel et du mauvais fonctionnement soient de la fiction. Tout Congolais sait au moins une anecdote douloureuse se rapportant à cet établissement hospitalier. La dérision, la critique, la plainte lourde contre lui sont légion. Il est normal que le personnel parle d’inconfort. C’est un fait.
Mais en même temps, ce que nous avons vu au journal télévisé du soir l’autre jour laisse interrogateur. Il y était question de millions à rapatrier du Canada, de milliards perçus, de choix plus «judicieux» des fournisseurs, d’arriérés de salaires. Pas de qualité des soins. Pas d’amélioration des conditions d’accueil des malades. Pas de démantèlement des lobbies des médicaments.
Pas de dénonciations de l’absentéisme, de la tyrannie de la montre pour des médecins plus soucieux de rejoindre leur cabinet privé où les prestations tarifées sont plus fructueuses. Pas d’évocation du serment d’Hippocrate. Rien. Silence absolu. Sauf la clameur grondante qui monte de la cour de la morgue municipale proche où les marées pleurantes crient la douleur d’une nation. Les parents de ceux qui n’ont pu être sauvés du fait, peut-être, que le directeur n’était pas Congolais mais expatrié!
La question de la gestion du CHU est une question de douleur. Elle ne peut s’aborder en faisant fi de la perception que le Congolais a de son établissement. De sa défiance renforcée par le choix de nos dirigeants de préférer l’étranger (lieu ou personne) pour se faire soigner plutôt que d’affronter les conditions du peuple. Cet établissement est en principe le symbole de notre compétence, de notre savoir-faire, de notre souveraineté et de notre souci national de prendre en compte la santé de tous les Congolais. Que nous reconnaissions, mezza voce, que nous avons failli dans notre politique de santé ne saurait mieux se dire.
Avec l’ajout angoissant de la COVID 19, aller au CHU c’est, dit l’opinion, être condamné à la mort. Condamnation injuste en vérité puisque nous connaissons aussi plus d’un parent qui y a été sauvé. Mais les jeux d’argent, les trafics d’influence, le clientélisme tribal pour ne laisser émerger que le mal.
Réclamer une gestion qui écarte tout expatrié entre-t-il dans le cercle des vertus ou dans la longue liste des maux? La question peut, au moins, se discuter.
(Lire aussi la déclaration de l’intersyndicale et l’article en page 12)

Albert S. MIANZOUKOUTA