Il ne fait aucun doute que les mesures prises et celles préconisées contre le coronavirus vont dans le bon sens. Indiquer une zone de mise en quarantaine possible, soumettre les arrivants aux ports et aéroports aux mesures de contrôle et de prévention déployées ailleurs dans le monde font de nous un pays qui a le souci apparent de la santé de ses habitants.
On peut souhaiter que ces mesures soient plus systématiques et moins bon enfant comme on a pu voir à l’aéroport et au Beach (comme si on n’y croyait tout simplement pas !). On peut déplorer une communication chaotique ayant pu, dans un premier temps, jeter l’effroi chez les populations de Kintelé et chez leur mairesse. Leur quartier n’est pas une zone d’exportation du virus. Mais on peut toujours faire mieux là où on fait bien.
Il reste à se demander si une assurance officielle suffirait dans un pays où le système de santé est en faillite avérée. Où l’éthique est un mot. Où l’octroi d’une poche de sang se fait en jouant des coudes et en alignant le plus de billets de banque possibles. Dans un tel pays, l’éclatement d’une épidémie comme celle du coronavirus serait une catastrophe aux effets tectoniques ! Car il viendrait révéler, à chaque maillon de la chaîne de traitement, les failles que nous continuons de cacher sous le tapis.
Rien n’est gratuit, malgré les décrets, injonctions et proclamations. L’ambulancier, l’infirmier, les garçons et les femmes de salle, les médecins «grattent» à tout-vent. Chacun veut capter pour soi une partie de la manne que représente la détresse payante des malades ; faire pression sur leurs familles, jouer sur leurs douleurs, capitaliser sur le deuil. On part au travail à l’hôpital le matin, et on doit en revenir le soir «avec des haricots pour les enfants».
Est-il admissible qu’une pharmacie d’hôpital majore le prix de ses médicaments devant un pauvre hère en pleurs, bouleversé par la révélation – souvent sans ménagement ! – de la gravité de l’état de son enfant ? «Si vous ne payez pas, je ne prends pas le bistouri», a-t-on coutume d’entendre aussi. Ce serait une grave menace de plus grande propagation, si on devait faire attendre des familles ne réunissant pas les 70 à 80.000 Francs préalables d’une intervention efficace. Le virus n’attend pas, ne se fait pas attendre.
Tous les manquements que nous n’osons traiter et éradiquer se révéleraient des démultiplicateurs foudroyants si, à Dieu ne plaise, nous devions faire face à l’ajout de la double peine d’une épidémie aussi dévastatrice que celle du coronavirus ! Pour le moment, assure-t-on, le cas auto-déclaré de l’employé d’une société chinoise n’était qu’un palu à soigner. Dieu merci !
Continuons de faire l’autruche et usons de la méthode Coué qui nous réussit si bien tant que Dieu nous préserve des dangers sanitaires les plus graves. Mais prenons conscience quand-même des manquements criards de notre système de santé. Ils ne se soigneront par aucun vaccin ni aucun antibiotique efficaces.

Albert S. MIANZOUKOUTA