L’Assemblée nationale centrafricaine a adopté lundi 29 mai 2023 le projet de loi sur la «tokenisation» des ressources naturelles (attirer des investisseurs en facilitant l’acquisition de titres de propriété garantis par la technologie «blockhain»). Cette loi permettra de vendre en ligne des titres numériques de propriété foncière. Pour les autorités, il s’agit de valoriser les richesses du pays et de faciliter leur exploitation tout en luttant contre la corruption. En revanche, l’opposition dénonce l’adoption à marche forcée d’un projet de loi irréaliste.

Ressources forestières, minières, agricoles, pétrolières: le potentiel centrafricain est immense mais n’a jamais été exploité. Le gouvernement espère donc attirer des investisseurs en facilitant l’acquisition de titres de propriété garantis par la technologie «blockhain». Cette manière aurait aussi pour avantage de faire des économies dans l’administration et de lutter contre la corruption.
Pour les autorités, la «tokenisation» est la suite logique de la loi d’avril 2022 sur les cryptomonnaies, et le moyen de dynamiser l’utilisation du bitcoin et du sangocoin, dont le lancement a été un échec. La plateforme Sango permettra de créer en ligne une société de droit centrafricain pouvant acquérir des titres numériques de propriété foncière.
Le ministre des Mines Rufin Benam Beltoungou s’est dit certain de la conformité du texte aux règles communes de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) et que cette «expérience pionnière» permettra à ses voisins de se prononcer sur le sujet.
Les députés d’opposition membres de la Commission mixte sur le projet ont boycotté la plénière. Anicet-Georges Dologuélé, Martin Ziguélé et Rachel Ngakola dénoncent une loi examinée en moins d’une semaine, votée le dernier jour de la session ordinaire de l’Assemblée: il a été demandé aux députés «de voter un texte qu’ils n’auront pas eu le temps de lire, alors même qu’il s’agit d’une loi qui ambitionne de révolutionner complètement l’organisation de l’économie de notre pays», évoquent-ils dans leurs réserves.
Sur le fond, ils soupçonnent le gouvernement «d’organiser le bradage des ressources naturelles à toute la pègre de la planète», là où la priorité devrait être, selon eux, «d’améliorer les moyens de contrôle pour permettre une meilleure captation des ressources tirées de ces secteurs économiques».
Selon la loi, les investisseurs «ont le droit de transférer à l’étranger l’intégralité des bénéfices annuels qui leur reviennent après paiement des impôts, droits et autres obligations».
La Centrafrique a son économie dévastée après des années de guerre civile. Selon l’ONU, un habitant sur dix a l’électricité et internet et vit sous perfusion de l’aide internationale. Le pays avait été le second, après le Salvador, à adopter les cryptomonnaies comme monnaies de référence et avait provoqué des remous mais, surtout, l’inquiétude des organisations régionales, africaines et internationales.

Gaule D’AMBERT