Dans la trépidante actualité qui nous est offerte chaque semaine, on pourrait avoir l’impression que ce qui se passe au Mali, en Afrique de l’Ouest, ne nous laisse qu’un rôle de simples spectateurs. A plus de 3000 Km des rives du fleuve Congo, la succession des coups d’Etat, les bravades d’une junte et son pied de nez à la fameuse communauté internationale, sa volonté d’affirmer qu’elle est libre de s’afficher avec qui elle veut pour assurer sa défense: tout cela nous sert un film savoureux et bien lointain. On en redemanderait !
Mais, même un nom constamment évoqué comme Wagner, qui a pourtant fait grincer ses violons non loin de chez nous, en Centrafrique, nous donne l’impression qu’il ne nous parle pas de la même façon que là-bas au Mali. Nous avons l’impression qu’on parle d’une société de méchants mercenaires au Mali, et de simples géologues-arpenteurs en Centrafrique; pas de mercenaires. Parce que cette musique semble classique chez nous et grinçante là-bas . Même l’organisation sous-régionale de là-bas, la CEDEAO, semble se comporter autrement.
Le Mali écope de lourdes sanctions de la part de la CEDEAO, ce à quoi la CEAC ne nous a pas habitués. Chez nous, on le sait, il n’y a pas de coups d’Etat, de processus électoraux dévoyés, de mandats rallongés ou de persistance au pouvoir: la CEAC nous l’aurait reproché, nous aurait sanctionnés, nous aurait rappelés à l’ordre constitutionnel ! Non, ce qui se passe au Mali est décidément bien étrange, avec même une partie de l’opinion qui soutient la junte militaire en place et s’insurge contre les sanctions, y voyant la mainmise d’une «puissance étrangère».
Cette opinion-là avait pourtant applaudi des deux mains les forces françaises dépêchées à Bamako, au lendemain de l’attaque djihadiste de 2015 qui avait failli emporter les institutions de l’époque. On avait applaudi à tout rompre le Président François Hollande, plus ami qu’étranger alors. Aujourd’hui, près de six ans après, tout cela est un lointain souvenir. Aujourd’hui, le Mali semble vouloir nouer de nouvelles alliances, mais le peuple y trouvera-t-il son compte? Et nous, que disons-nous: applaudir, hausser les épaules et finir de grignoter notre safou?
Nous sommes tout le temps ramenés à la réalité des instants. Un tien vaut mieux que deux tu l’auras. Là-bas, comme ici, nous savons nous donner les airs de cette tranquillité qui repose sur de l’éphémère. Souveraineté, indépendance: des mots! Ce qui vaut c’est la paix, servie par une solide lucidité sur les enjeux du futur. Le djihadisme gagne du terrain en Afrique: une multiplication de coups d’Etat et de triturations des Constitutions n’empêcheront pas qu’il débarque au cœur de nos régions forestières.
Car le Mali n’est pas loin. Ce qu’il vit aujourd’hui ne serait pas si incongru dans notre sous-région où le djihadisme est d’ailleurs aux aguets, au Cameroun, en RDC ou en Centrafrique. Regarder les événements au Mali avec le regain de suffisance que seul sait afficher un Africain du Centre, c’est cracher en l’air en espérant que le vent soufflera toujours dans la même direction. Rarement, les peuples ont été sauvés des catastrophes qui les menacent par la seule méthode Coué.

Albert S. MIANZOUKOUTA