Dans notre profession, les anecdotes d’autodérision sont foison. Elles font parfois rire à fendre côtes, mais pas toujours. Car il n’est pas drôle de se tirer une balle dans le pied et de venir s’en vanter en public. Et puis, il est dans la nature de la presse, puisque c’est d’elle qu’on parle, de se donner en spectacle en se tordant de douleur. Nous sommes gens normaux, qui rigolons quand les choses sont drôles et qui savons nous faire sérieux quand le contexte l’impose. Mais il faut reconnaître que rarement nous nous moquons de nous-mêmes. Nous exposons les hommes et femmes politiques, surtout, à notre satyre acerbe. Le 3 mai dernier, nous avons eu peu de raisons de nous marrer, et pourtant la journée entière, sur l’étendue de la planète, nous était dédiée. C’était la 30è Journée mondiale de la liberté de la presse au Congo aussi. Il y a eu très peu d’occasions à célébrer cette liberté titubante pourtant.
Une des anecdotes plus connues dans les couloirs de la profession est que jamais les journalistes congolais n’ont été aussi mal servis que lorsque c’est un des leurs qui était patron des médias. Le ministre de la Communication actuel n’est pas sorti de nos rangs, et pourtant les choses ne semblent toujours pas prendre la bonne forme. Le Conseil supérieur de la liberté de communication, une douzaines de journalistes ou de proches des médias, nous préparait une belle journée lorsque le 2 mai au soir nous apprenions par la télévision que la célébration était repoussée au surlendemain 4 mai, pour encombrement de calendrier gouvernemental.
A vrai dire, il n’est pas exclu qu’une célébration change de date, qu’elle se fasse en différé, mais ce qu’il y a eu de bidonné dans cette affaire ce sont les raisons du report et le contexte de tensions qui règne au CSLC. Critiquer une décision là-bas, c’est prendre parti. Et, pour une organisation censée réguler la vie des médias et garantir leur liberté, annuler la célébration de la journée de leur liberté au motif que le ministre ne serait pas là, c’est évidemment une marque insigne de liberté ! Mais boucler la journée, malgré tout, en disant que le Premier ministre l’avait sauvée n’est pas davantage une liberté non plus !
Une des décisions les plus extravagantes que le CSLC ait prise, a été bien évidemment la suspension de la chaîne privée de télévision Vox, fin décembre dernier. Le Conseil, à l’unanimité de ses membres, a fait l’exact contraire de ce que nous attendions de personnes qui sont, pour la plupart, journalistes, en faveur de la profession. Le 3 mai 2023 est passé, préparons le 3 mai 2024, dans la liberté effective.

Albert S. MIANZOUKOUTA