Leader du mouvement de libération de la Swapo qu’il avait cofondé en 1960, et premier Président de la Namibie, Sam Nujoma est décédé samedi 8 février à l’âge de 95 ans. Héros de l’indépendance, il avait dirigé le pays de 1990 à 2005.
Figure historique des indépendances africaines, il a dominé le paysage politique du pays. A la tête de la Swapo, il avait obtenu en 1990 l’indépendance de la Namibie vis-à-vis de l’Afrique du Sud qui avait repris la tutelle du territoire à l’Allemagne à la faveur de la Première guerre mondiale. Il s’est employé à unifier une population de 2 millions d’habitants d’une dizaine de groupes ethniques que l’apartheid s’était appliqué à diviser. Sam Nujoma alias ‘’Le Vieux ; l’homme à la barbe blanche’’, avait quitté le pouvoir à 75 ans en 2005, après avoir fait modifier la Constitution pour s’offrir un troisième mandat. Il avait désigné un fidèle comme successeur, restant présent en coulisses.
Né le 12 mai 1929 au sein d’une famille de paysans, Sam Nujoma est l’aîné de dix enfants. Il garde les vaches et les chèvres. A 17 ans, il quitte son village reculé du nord pour s’installer dans la ville portuaire de Walvis Bay. Il vit chez une tante, dans un township, et découvre les discriminations contre les Noirs. Il devient balayeur des chemins de fer près de Windhoek, la capitale, et rapidement syndicaliste, tout en suivant des cours du soir, où il rencontre des militants indépendantistes. Contraint à l’exil en 1960 au Botswana, au Ghana et aux Etats-Unis.. A la tête de la Swapo, il lance la lutte armée en 1966. La guerre d’indépendance a fait plus de 20.000 morts.
Devenu Président, Sam Nujoma s’était refusé à instaurer une commission pour examiner les atrocités commises pendant les 23 ans de conflit entre la Swapo et les escadrons de la mort pro-sud-africains. Pragmatique, il avait intégré ces unités des ‘’Koevoet’’ au sein de l’armée et de la police à l’indépendance. L’air souvent sévère pendant ses discours, l’ancien Chef d’Etat, pourtant jugé conciliant dans un pays stable et respectant un certain nombre de libertés fondamentales, était connu pour ses accès de colère contre les ‘’colons blancs’’ ou les ‘’néo-impérialistes’’. Il avait jugé insuffisante la proposition de l’Allemagne en 2001 d’un dédommagement de plus d’un milliard d’euros pour le massacre de dizaines de milliers d’indigènes Hereros et Namas, considéré comme le premier génocide du XXe siècle.
Son statut de père de l’indépendance lui a permis de jouir d’un soutien populaire dans ce pays conservateur, qui ne s’est pas démenti jusqu’à la fin de sa vie. Sur le plan diplomatique, il a pris des positions controversées, soutenant son voisin zimbabwéen Robert Mugabe dans sa politique de réforme agraire pour exproprier les fermiers blancs, et maintenu des relations avec Cuba, la Libye, l’Iran ou encore la Corée du Nord. Grand ami du Congo, pays qu’il a visité plusieurs fois, après le retrait de la vie politique, Sam Nujoma avait repris des études et décroché une maîtrise de géologie, convaincu que les montagnes namibiennes regorgent de richesses minérales inexploitées.
Alain-Patrick MASSAMBA