Le Congolais s’est bâti une conviction dont peu d’événements de ces dernières semaines le détourneraient. La politique, affirme le concitoyen, c’est l’art de feinter, de détourner, de tricher, de dire et se dire sans que vous donniez même l’impression d’en être perturbé le moins du monde. Un Décalogue? C’est-à-dire appliquer les Dix commandements même quand on n’est pas croyant? On hausse les épaules et on accable l’autre. Car l’art de mentir n’est pas un «vrai péché» ; c’est de la politique – de la po’ootik !
Sous nos yeux se déroule un psychodrame qui ne l’est qu’en fausseté. L’une des personnalités les plus en vue du premier parti de l’opposition a décidé de rejoindre le gouvernement issu d’une élection qu’elle a boycottée. Pas même de consigne de vote, pour ou contre. Honoré Sayi assure qu’entre l’UPADS, son parti, et l’appel à venir occuper un maroquin de ministre, il a décidé de «servir la République». Quitte à ronger jusqu’à la moelle l’os en acier qui vient de lui être jeté, l’eau et l’électricité.
Et autour de lui, tout n’est que dénégation, déni des statuts du parti et relégation aux recoins de la correction politique élégante. Avez-vous été consulté pour ce poste : J’étais à Dolisie. Avez-vous consulté l’UPADS, avez-vous reçu son aval? La réponse n’est invariablement ni non, ni oui mais la République. Un vrai citoyen pétri d’abnégation ! Des citoyens comme cela, le Congo en voudrait. Parce qu’il en regorge ! Que voulez-vous : entre se morfondre dans un fauteuil élimé à Diata et une limousine avec chauffeur, la différence tient à l’épaisseur du portefeuille. Pas à la force des convictions!
L’UPADS elle-même a relativisé une désolidarisation qui n’a donné droit qu’à une suspension du «traitre» de ses rangs. Dans la bouche du suspendu, les choses sont d’ailleurs d’une limpidité cristalline : oui, j’ai trahi, mais je me mets seulement en réserve du parti, je reviendrai demander pardon plus tard ! Même chez les catholiques où l’on parle de rédemption, aucun fautif, aucun pécheur ne mériterait autant l’absolution. «Excusez-moi, Messieurs-Dames, je vais juste voler un peu, puis je reviendrai vous demander pardon !» Judas à côté ferait figure de réserviste du PSG !
C’est cela la po’ootik. Une tactique affinée au point d’enfumer les proches qui se savent entourloupés mais peinent à trouver le nom pour désigner le phénomène ou se révolter. Même la VAR politique efface les lignes au point qu’on a du mal à décider entre coup-franc et pénalty. Carton jaune ou carton rouge définitif. Nous sommes dans l’effacement des traces d’une société qu’on jure vertueuse, ne serait-ce que le temps de le dire.
Mais reprenons-nous: servir la République est noble en soi. Le faire au sein d’un gouvernement qui est presque le même que le précédent qu’on descendait en flammes peut aussi relever d’une forme de témérité positive. Hier soir, dans mon quartier, le courant jouait du yoyo. La tension montait, baissait: les ampoules devenaient aussi lumineuses qu’une bougie puis reprenaient de la vivacité soudaine. Agaçant. Diagnostic du sage du quartier : «Sayi commence mal !». Po’ootik…

Albert S. MIANZOUKOUTA