L’une des conséquences les plus commentées de la dernière visite du Président rwandais Paul Kagamé au Congo, il y a dix jours, a été la signature des protocoles d’accords, conventions, protocoles d’entente et autres mémorandums entre les deux pays. L’un d’eux concerne la concession de 12.000 hectares de terres arables dans trois départements congolais. Pays exigu et sur lequel s’exerce une pression démographique certaine, le Rwanda jouit d’une réputation de dynamisme agricole qui le rend auto-suffisant en beaucoup de domaines.
D’ailleurs, chez nous, les réfugiés rwandais se sont souvent signalés par une occupation fructueuse des terres agricoles: la zone de Gamboma est ainsi devenue une terre de tomates, d’aubergines, de chou et de pastèques s’ajoutant à l’oignon, au maïs et aux tubercules de manioc qui faisaient déjà leur réputation. Le savoir-faire des agriculteurs rwandais n’est plus à démontrer; nous en avons bénéficié. Et, en principe, que de vastes étendues de terres leur soient concédées ne devrait aller que dans le sens de l’affirmation de cette arlésienne tant vantée, la coopération sud-sud.
Pourquoi donc pas avec le Rwanda!
Mais il y a un mais. Le problème de la terre commence à se poser avec acuité en Afrique centrale. Au Tchad, au Cameroun, en Centrafrique, les affrontements entre agriculteurs et éleveurs deviennent récurrents. Ils ont même déjà débouché en guerres fratricides qui ont déchiré des communautés. C’est conscients de ce qui pourrait se passer pour nos enfants que les responsables ont entamé une série de mesures destinées à mettre de l’ordre dans le foncier congolais. Avec un même leitmotiv: la terre ne peut se vendre aux étrangers!
Le ministre d’Etat Pierre Mabiala s’est suffisamment époumoné dans tous les départements du Congo, du Nord au Sud, que ce qui peut apparaître comme une contradiction ne peut que susciter des interrogations. D’autant que la présentation de la Convention y relative a été faite avec suffisamment de flou pour que la conviction des uns s’amalgame aux suspicions des autres, créant une confusion. Qui s’ajouterait à tous les autres litiges pendants, entre natifs et acquéreurs étrangers plus ou moins corrects sur des terres ancestrales disputées.
Ici et là dans les départements, nous voyons de vastes propriétés aux mains d’étrangers pour l’élevage, l’agriculture ou d’autres activités. Vivant de frustrations, ces étendues donnent l’impression de Congolais moins débrouillards. Il ne s’agit surtout pas de verser dans la xénophobie facile ou de ressasser les échecs des expériences passées, avec les fermes avicoles ou les villages agricoles d’il y a peu. Il s’agit de tenir les principes et de ne pas céder au bradage de l’affamé, qui vend sa vache pour se procurer un œuf.

Albert S. MIANZOUKOUTA