La «mode» n’est pas nouvelle; elle n’est même pas une spécificité congolaise. De temps en temps, il se lève quelqu’un dans les médias, institutionnels ou les réseaux sociaux, pour déverser sur la place publique quelques boules puantes habilement dirigées pour éclabousser une personnalité de relief. Il en a été pendant de longues semaines sur une ancienne ministre.

Cette fois, la cible choisie est M. Alphonse Claude N‘Silou, ministre d’Etat chargé du Commerce. Une émission matinale d’une chaîne de télévision en ligne, se donne la mission de lessiveuse publique. Parce que M. N’Silou, notoirement riche, aurait acquis ses propriétés, au Congo ou à l’étranger, en usant de moyens brutaux, voire malhonnêtes. Le journaliste de la diaspora qui se fait porteur de cette information, donne toute l’assurance de celui qui est bien informé et qui campe sur des certitudes de vérité. Nous nous plaignons, nous de la presse, de notre liberté à informer trop souvent bâillonnée. Et nous réclamons à cor et à cris qu’on nous laisse investiguer, et diffuser le fruit de notre recherche en toute liberté, en conformité avec la Constitution. Il faut dire que les temps ont changé, mais les personnes coulées au pilori ont rarement la passivité de se laisser ajouter des clous sur la croix de l’opinion sans réagir.
La méthode, c’est vrai, n’est pas nouvelle. Et, trop souvent, ceux qui protestent de leur innocence le font parce qu’ils le doivent, pour défendre leur dignité, ce qui est primordial. Mais à force de déverser des boues sur la place publique, on érige en règle la généralisation du soupçon dans le style du «Tous pourris».

Alors, quelle est la ligne de démarcation? Dans l’administration de la preuve ! Le ministre N’Silou, architecte de profession et homme d’affaires reconnu, est propriétaire d’immeubles construits, pour certains, avant même qu’il ne soit nommé ministre. Et dans tous les cas, qu’il s’agisse de son habitation face à l’hôpital Blanche Gomes ou de ses villas dans la ville de Brazzaville ou ailleurs, les papiers sont en règle. Quant à la résidence Denis Sassou Nguesso, cet ensemble d’habitations aux abords de Kinkala, le domaine n’est pas à lui-même si son nom est apparu en première ligne lors de la mise en œuvre de ce projet.
Le ministre N’Silou est d’ordinaire homme placide. On a beau écrire et dire sur lui, dans son dos ou en face ou à ses côtés, il n’a pas l’habitude de réagir. Aucun droit de réponse. Cette fois non plus, il ne s’est pas départi de ce calme qui, pour certains, confine à de l’admission de culpabilité. Ici, il n’est coupable de rien: sa maison en face de l’hôpital Blanche Gomes qui semble attirer les convoitises, est bâti sur un terrain qui était jadis propriété du ministère de l’information. Il était hérissé des antennes d’émetteurs, et donc propriété de l’Etat. Le ministre brandit aujourd’hui les documents de cession et d’achat à l’Etat (avec versement, chose rare !) du prix de l’achat au Trésor public ! Il n’a donc exproprié aucune veuve et aucun orphelin en la matière.
De l’Italie à la France, de l’Angleterre à la Belgique, de temps en temps on est invité à lire dans les journaux ou à suivre sur les télés privées qui commencent à essaimer le paysage médiatique congolais que telle personne du Gouvernement a dribblé la morale, est parti avec quelques milliards de la caisse de l’Etat ou s’est montré roublard face au peuple congolais innocent et victime ignorante. Mais à force d’insinuer, on ne sait pas ce qui reste la vérité retenue. Basile disait déjà en 1861 : «Calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose!». C’est une stratégie qui semble avoir été privilégiée par les adversaires (ou ennemis?) du ministre d’Etat sur ses propriétés et sa prospérité apparente. Il n’est pas sûr que cette stratégie soit gagnante. Ni qu’elle rapporte quoique ce soit au pays, qui est à la recherche de voies de stabilité.

A. S. MIANZOUKOUTA