Les multiples échecs des différentes plateformes, à vaincre unis ou à mobiliser au nom de cette diversité, semblent avoir raison de la volonté d’aller au combat ensemble. Dans le feu de l’action pour le respect de l’ordre constitutionnel en 2015, l’opposition dite «politique» avait fait bloc autour de Pascal Tsaty-Mabiala et avait scellé le 23 juin 2018 l’alliance d’une nouvelle ère politique. Un mémorandum d’entente avait été signé, un projet fédérateur minimal qui devait sous-tendre son action politique.

La nouvelle plateforme d’opposition avait été portée sur les fonts baptismaux par onze partis politiques initiaux, passés ensuite à treize. Mais cet élargissement ne signe pas un plus grand resserrement du désir d’unité.
Aujourd’hui, trois des leaders signataires du mémorandum d’entente: Guy Brice Parfait Kolélas, de l’UDH-YUKI; Michel Mboussi-Ngouari, du MLNC, et Anguios Nganguia Engambé, du PAR, ont marqué leur volonté d’aller à la présidentielle en leur nom propre, semant une zizanie qui risquera de faire voler en éclat ce qui reste de cette plateforme. Et fragilisant encore plus les chances d’une alternative à la majorité actuelle.
Ajouter à cela le fait que l’UPADS de Pascal Tsaty-Mabiala, leader de l’opposition, a décidé de ne présenter aucun candidat à la présidentielle et de ne soutenir aucun de ceux qui sont en piste, et on a un tableau de danse de crabe qui ne renforce aucune crédibilité d’aucune opposition.
Les partis signataires du mémorandum avaient affirmé leur volonté de lutter pour la mise en place d’une gouvernance électorale fiable et équitable. «Si, hier, les égoïsmes des hommes et femmes politiques les ont éloignés du devoir de construire une opposition organisée et disciplinée, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Cette première étape de notre combat politique est l’œuvre de tous ceux qui, comme par sursaut d’orgueil, ont décidé de quitter le fatalisme pour porter le rêve d’une alternance démocratique encore possible… Contre toute attente et déjouant tous les mauvais augures, nous voici enfin rassemblés autour d’un idéal partagé, celui d’offrir à notre pays d’autres perspectives. De nombreux Congolais pourraient s’interroger sur les mobiles d’un mémorandum de l’opposition qui, aux yeux des sceptiques ne serait ni plus, ni moins qu’une activité de trop après l’appel historique de Diata de juillet 2015, qui, en son temps avait galvanisé nos militants. La réponse à cette préoccupation me paraît simple, tant l’opposition congolaise pêche souvent par un défaut de projet fédérateur minimal qui sous-tende son action politique. C’est la raison pour laquelle il nous a paru nécessaire de proposer ce vade-mecum», proclamait Pascal Tsaty-Mabiala, à la cérémonie de signature du mémorandum d’entente au Palais des congrès.
Bien qu’aucune disposition du mémorandum n’interdise à un leader de la plateforme de se présenter à l’élection présidentielle, ni n’oblige celle-ci à présenter un candidat unique, chaque parti gardant son autonomie de fonctionnement, trois leaders d’une même opposition (dont un invalidé par la Cour constitutionnelle sans qu’il annonce un report de voix en faveur des deux autres), cela fait beaucoup de raison de ne pas croire en une victoire d’alternance.
En outre, Guy Brice Parfait Kolélas, président de l’UDH-YUKI, se présente pour la deuxième fois, après l’élection de 2016 où il était arrivé deuxième. Michel Mboussi-Ngouari, président du MLNC en aurait été à sa deuxième participation si sa candidature n’avait pas été invalidée par la Cour constitutionnelle pour non-conformité du dossier. En 2016, il s’était présenté sous le label de la COPAR dont il avait fini par claquer la porte pour divergences pour rejoindre l’opposition politique congolaise. Il fait partie des signataires du mémorandum de 2019. Enfin, Anguios Nganguia-Engambé, président du PAR, en est à sa troisième participation en solo, depuis 2009.
Et comme si cela ne suffisait pas, le président de la Dynamique pour le redressement du Congo (DDC), Armand Mpourou, pourtant membre de la plateforme, a décidé de soutenir, non pas l’un des deux membres de sa plateforme de l’opposition restés en lice, mais plutôt le candidat de la majorité, Denis Sassou-N’Guesso. «La DDC n’a fait ni un choix de complaisance, ni un choix de facilité…La DDC n’a pas non plus monnayé son appui, car ‘le parti de l’œuf’ n’est pas à vendre. Elle a tout simplement fait un choix politique responsable sur la base de la prise en compte de certaines des préoccupations contenues dans son programme politique, le tout dans un climat de parfaite transparence…Le soutien que notre parti apporte à Denis Sassou-Nguesso, qui n’est point un soutien du bout des lèvres mais un soutien franc et massif, s’organise autour de son programme de gouvernement à venir…Nous allons en campagne de façon autonome, mais avec détermination pour assurer la victoire à notre candidat», a déclaré Armand Mpourou. Voire!
Cette attitude le démarque de l’opposition politique qui porte déjà les germes de la division. Une décision qui pourrait faire perdre à la DDC sa qualité de membre de cette plateforme.
Lorsque la COPAR s’était désolidarisée du chef de file de l’opposition, Pascal Tsaty-Mabiala avait expliqué que: «est membre de ce bloc politique, tout parti ne participant pas à l’action du Gouvernement sauf en cas de Gouvernement d’Union nationale dont la mise en place est justifiée par le souci de régler toute crise susceptible d’entamer gravement le fonctionnement de l’Etat. Or, à ce jour, notre Gouvernement est l’émanation exclusive du président de la République et les ministres sont solidaires de son action politique», avait-il souligné.
A l’instar des autres coalitions d’opposition, l’opposition politique ne fait pas preuve de plus d’originalité: nature hétéroclite des membres qui la composent et comportement calculateur minent ses rangs. Chaque leader a adhéré à ce cartel politique en conservant toutes les marges de manœuvre de son autonomie, chacun avec son agenda caché, sa ligne et sa stratégie politiques. Une opposition politique dans le désarroi, sans visibilité claire et semblant aller au plus offrant, ou adoptant l’attitude la plus opportuniste.
Les cadres et militants sont médusés devant ce spectacle de mésentente publique. Reste à savoir le comportement qu’afficheront les autres leaders de la plateforme. Quelles consignes de vote donneront-ils? La plateforme ne s’est pas encore prononcée sur qui, de Guy Brice Parfait Kolélas ou Anguios Nganguia-Engambé, les deux candidats de la plateforme restés en lice, elle porterait son soutien. Si Pascal Tsaty-Mabiala s’était présenté lui aussi à cette élection, ils seraient quatre candidats de l’opposition!
Les jours et mois à venir édifieront davantage l’opinion nationale sur la santé de cette plateforme qui a vu, en décembre dernier, le RDD suspendre sa participation alors qu’il avait à peine souscrit au mémorandum d’entente le 3 mai 2019. Officiellement, il entendait protester contre le quota qui lui avait été affecté par son groupement politique pour prendre part à la concertation de Madingou.
La plateforme s’est vue également rappelée à Dieu, trois de ses membres: Paul Marie Mpouelé, président du Parti des républicains (PR); Raymond Timothée Makita, président du Front uni des républicains Congolais (FURC) et Abel Godefroid Bouckas, coordonnateur du Rassemblement pour l’alternance démocratique (RAD). Un départ à son actif, celui de Clotaire Mboussa Ellat, président du Comité d’action et pour le renouveau (CAR).
Reste à savoir pour qui votera l’UPADS. C’est la question du suspense. Pascal Tsaty-Mabiala va-t-il donner des consignes de vote ou, plus vraisemblablement, s’abstiendra-t-il? Se prononcer pour l’un au détriment de l’autre candidat de la coalition pourrait le fragiliser personnellement. Tous les risques sont donc possibles.
Même au sein de la Convention des partis républicains (COPAR), autre groupement politique de l’opposition qui, pourtant, n’a pas présenté de candidat à la présidentielle faute de consensus, a vu son unité volée en éclat. Son principal parti membre, le PRL du ministre Nicéphore Antoine Thomas de Saint-Eudes a, lui aussi, apporté son soutien à la candidature de Denis Sassou-N’Guesso. Que feront alors les autres membres?

Cyr Armel YABBAT-NGO