La ville de Dabou, à l’ouest d’Abidjan, l’un des épisodes les plus meurtriers depuis le début de la contestation contre la candidature d’Alassane Ouattara à un troisième mandat, avec des violences qui ont fait au moins sept morts et des dizaines de blessés. Pour rétablir l’ordre, un important renfort de gendarmerie est arrivé d’Abidjan mercredi 21 octobre.
Lundi, dans plusieurs principales villes de l’intérieur du pays, des barricades ont été érigées et quelques échauffourées ont été signalées. Mais un cap a été franchi le lendemain avec la mort d’au moins trois personnes. Parmi elles, un jeune homme d’une vingtaine d’années tué à la machette dans le village de Kpass en périphérie de Dabou, par des individus qui venaient de piller une ferme et poursuivaient leur équipée destructrice. «On a beaucoup d’infiltration de jeunes délinquants qui sont tous sortis des fumoirs. Ils attaquent, ils volent, ils pillent», s’est plaint Jean-Claude Yede Niangne, autorité administrative de la localité.
Mercredi, des jeunes des villages alentours sont montés à l’assaut de quartiers malinkés dans ce qui ressemblait à des opérations de représailles. En fin de journée, les autorités dénombraient au moins quatre nouveaux décès, pour un total de sept morts et des dizaines de blessés lors des dernières 48 heures.
Pour le préfet de Dabou, des éléments inconnus, pour certains armés de kalachnikovs et bien formés, sont venus attiser le conflit. «Initialement une banale confrontation politique entre tenants du pouvoir et de l’opposition s’est muée en un conflit entre Dioulas et Adioukrous. Mais nous sommes convaincus qu’une milice bien armée a voulu récupérer cette confrontation», estime Remi Nzi Kanga. «D’où viennent-ils ? Je ne saurais le dire», se désole le préfet.
Dans ce même élan, en pleine campagne électorale, les partisans de Laurent Gbagbo, qui demandent l’arrêt du processus, accusent le régime d’utiliser des miliciens, les «microbes», pour attaquer les opposants en faisant le lit des violences communautaires. En face, les membres du parti au pouvoir réfutent ces accusations et évoquent des causes plus profondes en parlant des affrontements qui surviennent pendant cette campagne présidentielle.
Après le passage à Abidjan d’une mission ministérielle de la CEDEAO, le FPI-GOR (Gbagbo ou rien) qualifie de «honte» les conclusions de la délégation désavouant l’opposition. Le FPI pro-Gbagbo demande l’arrêt du processus électoral, le report de l’élection, et l’ouverture d’un dialogue. Mais son secrétaire général, Assoa Adou, accuse surtout le régime de convoyer des miliciens, communément appelés «microbes», pour attaquer les manifestants. «Des miliciens du RHDP sont convoyés dans ces localités pour agresser et assassiner des manifestants aux mains nues. En recrutant des individus issus d’un seul groupe ethnique et en les convoyant dans ces localités, monsieur Alassane Dramane Ouattara créé artificiellement une opposition entre les autochtones de ces régions et les allochtones, ce qui constitue un prélude à des affrontements intercommunautaires. Cela peut déboucher dans notre pays, si nous n’y prenons pas garde, à une guerre civile», affirme-t-il.
Pour le RHDP, «Il n’y a pas de preuves de cette allégation», a répondu Sidi Touré porte-parole de la campagne d’Alassane Ouattara. Il estime que les violences qualifiées de «communautaires» ont une cause plus profonde. «La question des violences communautaires, encore une fois, est un phénomène qui est sociétal, ce n’est pas nouveau. Nous avons souvent des conflits d’éleveurs et des conflits terriens avec des éleveurs. Dans certaines localités, ça arrive et c’est résolu au niveau local par les autorités préfectorales. En réalité, ce n’est pas un fait nouveau. C’est vrai que le contexte électoral met en lumière l’évidence communautaire que nous constatons, souvent avec des soubassements idéologiques, politiques, mais cela est traité dans le cadre structurel des violences ordinaires constatées en milieu rural».
Malgré l’appel au boycott lancé par l’opposition, le président sortant Alassane Ouattara confirme la tenue la présidentielle le 31 octobre 2020.

Gaule D’AMBERT.