L’évolution actuelle de la pandémie de coronavirus a contraint le Gouvernement à solliciter du Parlement la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour une nouvelle période de vingt jours. En effet, depuis le début du mois d’octobre, la situation épidémiologique dans le pays est en inquiétante dégradation. Elle se caractérise par une importante circulation du variant delta, avec pour conséquences une forte augmentation du nombre des malades et une recrudescence des décès.

Mvouba
Isidore Mvouba

Recrudescence des cas confirmés

Le nombre de cas confirmés est passé de 13.588 au 26 août, puis de 14.014 au 17 septembre à 15.051 au 6 octobre 2021.
Les départements les plus touchés demeurent Brazzaville avec 9392 cas confirmés et Pointe-Noire (4687 cas). Le taux journalier de positivité est sans cesse croissant, passant de 2,33% au 19 septembre à 15,71% au 3 octobre 2021.
Sur la période du 1er au 10 octobre, 7707 personnes ont été testées, dont 882 cas positifs, soit un taux de positivité de 11,4%. 581 cas ont été enregistrés à Brazzaville dont 17 décès, Pointe-Noire (285 cas dont 5 décès), Bouenza (3 cas dont 1 décès), Kouilou (5 cas), Plateau (3 cas), Cuvette (3 cas), Likouala (1 cas) et Sangha (1 cas).
Actuellement, 74 personnes sont hospitalisées: 51 patients à Brazzaville dont 14 placés sous oxygène; 23 patients à Pointe-Noire dont 16 sous oxygène.
Dans la même période, 23 décès ont été enregistrés en milieu hospitalier dont 21 concernent des personnes non vaccinées. Ce qui fait augmenter le taux de létalité à 2,6%.

La crainte des présidents des deux Chambres du Parlement

Pour Pierre Ngolo, ce qui se passe «sous nos yeux et dont nous sommes au jour le jour témoins ou victimes» est si troublant qu’il est difficile de comprendre l’indifférence que continuent d’afficher certains Congolais. «A Brazzaville et Pointe-Noire, les centres réservés au traitement de la COVID-19 sont presque submergés pendant que d’autres structures sanitaires non spécialisées subissent, elles aussi, une terrible pression. Les décès enregistrés dans les hôpitaux ou non se multiplient à un rythme qui met en évidence la précarité de la vie aujourd’hui. Des cadres, des grands dirigeants du pays, des anonymes sont arrachés à la vie dans des conditions effroyables et portés en terre sans bénéficier des hommages auxquels leur statut social leur donnait droit», a-t-il regretté.
Allusion faite à Christophe Moukouéké, Richard Eyeni, Jean-Michel Bokamba-Yangouma, Jacques Joachim Yhombi-Opango, Guy Brice Parfait Kolélas, Dominique Ngoïe Ngala, Mfumu Fylla Saint-Eudes, Jean Félix Tchicaya, etc.
Il est temps, a-t-il poursuivi, que les citoyens comprennent que l’obscurantisme et les fantasmes sont la voie du suicide collectif. «L’outil efficace aujourd’hui pour mieux se protéger et protéger les autres demeure le vaccin», a expliqué le président du Sénat.
Du côté des députés, Isidore Mvouba a de nouveau insisté: la population doit se faire vacciner. «Ne prêtez pas l’oreille à la désinfection», a-t-il conseillé, tout en estimant que les Congolais n’ont aucune alternative que de se faire vacciner ou alors de réaliser des tests PCR tous les 72 heures.
Le président de l’Assemblée nationale a fait savoir que la remontée des cas de contamination à la COVID-19 fait craindre la survenue d’une troisième vague de la pandémie dans le pays. «Le peuple doit tout faire pour que le pays ne connaisse pas un deuxième confinement. Je crois que personne n’ose vouloir revivre cette expérience pénible et difficile», a-t-il déclaré.
Isidore Mvouba a demandé aux administrations publiques d’amorcer la procédure de contrôle des usagers vaccinés. «Toute participation à la séance plénière est conditionnée par la présentation de certificat de vaccination», a-t-il signifié.

Les préoccupations des parlementaires

Pierre Ngolo
Pierre Ngolo

Les débats qui ont précédé le vote de la prorogation de l’état d’urgence sanitaire ont été francs. Les parlementaires sont sortis de leur réserve et ont tenu un langage direct avec le Gouvernement, représenté par le ministre d’Etat, Pierre Mabiala.
Le député Ibela a condamné le manque d’oxygène dans les hôpitaux. «Moi, qui vous parle, j’ai les larmes aux yeux. Je viens de perdre mon oncle paternel parce qu’il n’y avait pas d’oxygène au CHU, à l’hôpital militaire et partout ailleurs. Nous sommes quand même un Etat. Si on privilégie de l’oxygène dans les sites de traitement de la COVID-19, on doit faire autant pour les centres de traitement d’autres pathologies!. Ça devient criard et on ne comprend pas notre système sanitaire», a-t-il dénoncé.
Le sénateur Gabriel Zambila a décrié la situation des agents réquisitionnés à la riposte contre la COVID-19. «Ils ne sont pas payés et ne travaillent plus. Il manque des intrants et les conditions de travail sont médiocres au COUSP».
Malgré les prorogations, «la situation ne cesse de s’aggraver», a constaté Gabriel Ondongo, tout en s’interrogeant sur l’efficacité des vaccins. «Est-ce que la vaccination est une garantie de sécurité?».
Une interrogation motivée par le décès des personnes ayant pris les deux doses de vaccin.
A ce questionnement, Pierre Mabiala a répondu, en faisant savoir que la vaccination n’enlève pas les anciennes pathologies que nous portons tous et qui peuvent nous emporter. «La vaccination est une garantie de sécurité. C’est une arme de protection massive. Ce n’est pas parce qu’on est vacciné, qu’on doit abandonner l’observation des mesures barrières. Vaccinons-nous. Les vaccins sont disponibles et même en quantité suffisante», a-t-il dit.
Le ministre d’Etat a donné le sens de la mise en œuvre de l’opération «coup de poing», décidée par le Gouvernement, dans le cadre de l’exécution de toutes les mesures arrêtées et nouvellement prises. «Le Gouvernement est passé à la vitesse de croisière, à la phase offensive. Les citoyens qui pensent que la maladie n’existe pas se trompent», a-t-il souligné.
Dans sa synthèse, Pierre Ngolo est revenu sur le cas de la clinique Albert Léyono qui manque même d’appareils de radiologie pour les patients atteints de la COVID-19. Il a formulé le vœu que le Gouvernement puisse dorénavant avoir un regard attentif sur les tests qui se réalisent au Congo. «De plus en plus, on constate qu’il y a une remise en cause de nos résultats par certains laboratoires étrangers. Les tests négatifs se transforment en positifs ailleurs. Cela pose tout le problème du sérieux du travail. Est-ce qu’il n‘ y a pas de pratiques malsaines?», s’est-il interrogé.
Et d’ajouter que la maladie a atteint un tel niveau de gravité qu’il faut vraiment agir. «Il convient de renforcer notre dispositif anti-COVID et nous mettre résolument sur la voie de la rigueur absolue dans l’observation des différentes mesures. Après les délibérations et les annonces doivent suivre le changement dans la pratique et les comportements afin que l’espoir d’une vie meilleure conduise à la jouissance de la sécurité et de la certitude du quotidien. J’ai n’ai cessé de penser depuis à l’importance de la sensibilisation pour susciter la prise de conscience de nos concitoyens, renforcer la compréhension chez tous et favoriser un changement positif», a dit Pierre Ngolo.
Au cours des débats, certains parlementaires ont suggéré la prise d’une troisième dose de vaccin et d’envoyer les agents vaccinateurs dans les villages même les plus reculés du pays.

Prorogation de l’état d’urgence sanitaire et nouvelles mesures

Malgré les critiques et remarques formulées à l’endroit du Gouvernement, les parlementaires ont voté la prorogation de l’état d’urgence sanitaire pour la 28e fois. Par conscience de la responsabilité et souci de protéger la société, ont-ils expliqué.
En complément des mesures de santé publique, la vaccination est essentielle pour lutter contre la COVID-19. A ce titre, elle est qualifiée de triomphe de la science et de la solidarité mondiale. Les parlementaires ont exhorté le Gouvernement à réunir toutes les conditions de mise en œuvre de toutes les mesures arrêtées.
Pour renforcer la lutte contre la COVID-19, le Gouvernement a pris les nouvelles mesures ci-après la suspension des cérémonies de mariage civil, religieux, de mariage coutumier et de dot pour une durée de 45 jours; respect strict des mesures barrières lors des autres manifestations publiques y compris les offices religieux. De même que les cérémonies de deuil, les veillées et les enterrements qui seront strictement encadrés.
Des mesures qui ne semblent pas rencontrer l’assentiment des Congolais.
Si les premières mesures n’ont pas donné les résultats escomptés, comment le Gouvernement compte-t-il s’y prendre pour inverser la courbe épidémiologique qui connaît une évolution inquiétante?.
Le relâchement constaté ne serait-il pas la résultante d’une faiblesse de l’autorité de l’Etat qui n’arrive pas à faire appliquer ses décisions?. Il y a trop de complaisance et de laxisme. Les mêmes qui prennent les décisions sont incapables de les respecter et font tout le contraire de ce qui est décidé. Ils amènent les corps de leurs parents à la maison, organisent les messes de requiem, des mariages pompeux, des anniversaires de leurs enfants, font venir les corps de l’étranger et vont les enterrer dans les villages, alors que la transhumance des corps d’un département à un autre est interdite.

Où est la force de la loi?
Certaines boîtes de nuit pourtant interdites d’activité continuent de fonctionner, parce que appartenant à Z ou Y. Les autorités et leurs familles qui refusent d’aller se mettre en quarantaine, après leur retour de l’étranger, les «mal à l’aise» qui sont bourrés sous prétexte qu’ils appartiennent à l’Etat.
Les agents de la force publique, censés faire appliquer les mesures barrières édictées par le Gouvernement, sont confrontés à un problème de moyens financiers qui limite leur champs d’action et leur déploiement sur le terrain. Malgré le couvre-feu, les taxis-motos travaillent clandestinement toutes les nuits ainsi que certains débits de boisson. Ce sont les humbles qui payent le lourd tribut de la pandémie.

Cyr Armel YABBAT-NGO