Le Gouvernement était face à la représentation nationale le 23 novembre 2023 pour une séance de questions d’actualité liée au drame survenu dans la nuit du 20 au 21 novembre au stade d’Ornano à Brazzaville. L’auteur des questions, le député Bien-aimé Obam Ondon, a demandé au Premier ministre d’éclairer la représentation nationale sur cet incident, les dispositions sécuritaires prises pour encadrer ce processus de dépôt de dossier, ainsi que les dispositions que le Gouvernement entend prendre pour accompagner les blessés et les familles endeuillées. Les travaux étaient présidés par Isidore Mvouba, président de l’Assemblée nationale.
Cette séance, tant attendue par la population, n’a pas tenu ses promesses. La version officielle du Gouvernement, selon les dires de ceux qui étaient sur le site du drame, n’est pas concordante à la réalité.
L’affluence des jeunes diplômés à vouloir s’enrôler dans les forces armées congolaises a mis à nu le problème du chômage au Congo. Les autres secteurs étant fermés au recrutement, ces jeunes n’avaient plus d’autres choix que de vouloir intégrer l’armée. Ils ont risqué leur vie, non pas pour défendre la patrie, mais pour juste postuler à ce recrutement.
Débutées à Brazzaville le 15 novembre 2023 au poste de commandant de la zone militaire de défense n°9, les opérations de réception de dossiers attiraient un nombre des candidats largement supérieur à la capacité d’accueil estimée du site. Des séquences de perturbations de la circulation sur le boulevard Denis Sassou-Nguesso, au centre-ville, étaient observées.
En conséquence de cela, la décision avait été prise de délocaliser le lieu, en le transférant au stade d’Ornano, qui abrite le bataillon des sports. Le lundi 20 novembre, dans la matinée, la circulation était infernale devant le camp militaire. Des jeunes avaient pris d’assaut les abords du site et du quartier OCH, causant des embouteillages monstres. Ils venaient de tous les arrondissements de Brazzaville pour 300 places seulement réservées à ce département. La motivation et la détermination étaient donc au rendez-vous.
A 20 heures, ils étaient toujours là, mais moins nombreux, déterminés à y passer la nuit pour espérer être reçus parmi les premiers. D’autres, selon les rescapés, commençaient à venir parce qu’on les appelait au téléphone ou on leur avait donné rendez-vous de venir à partir de 23 heures. Chose curieuse, l’administration étant fermée à cette heure-là. «Ils étaient près de 3000 jeunes. Ce chiffre augmentait progressivement», a indiqué le Premier ministre.
Dans l’attente, a-t-il poursuivi, «les éléments de la zone militaire de défense n°9 et ceux d’intervention de la gendarmerie nationale et de la police ont mené des opérations de persuasion et de dissuasion pour susciter le retour à leur domicile. Ces jeunes ont persisté sur leur volonté de ne pas quitter le lieu et semblaient devenir nerveux et discordants. C’est ainsi qu’aux environs de 23 heures, certains ont forcé le passage du portail principal et d’autres ont escaladé le mur, provoquant ainsi une bousculade violente qui a conduit à la chute de certains d’entre eux. Les éléments du dispositif de sécurité se sont toutefois efforcés de canaliser la foule surchauffée et qui s’est introduite de façon brutale dans l’enceinte du site. Le bilan provisoire fait état de 31 morts et de 145 blessés transférés, traités et sortis des hôpitaux pour être suivis en traitement ambulatoire. Cinq sont encore hospitalisés».
Une enquête administrative et une autre judiciaire ont été ouvertes. «Le Gouvernement, à travers la cellule de crise, a chargé le ministère des Affaires sociales, en sa qualité de point focal, de coordonner l’action de solidarité, d’aide et de soutien aux blessés ainsi qu’aux familles éplorées», a indiqué Anatole Collinet Makosso.
Interpellé au Sénat le 24 novembre sur la même question, Anatole Collinet Makosso a déclaré que cette situation est à gérer avec beaucoup de responsabilité. «Nous ne pouvons pas anticiper sur ce qu’établiront les enquêtes qui ont été ouvertes. Le Gouvernement se contente simplement de circonscrire les faits que nous avons tous observés et tire les leçons de ce qui s’est passé», a-t-il dit.
Mais pour l’auteur de la question, Gaspard Kaya Magane, il est inadmissible pour une opération de routine d’enrôlement des jeunes qu’il puisse y avoir mort d’hommes.
Pour Pierre Ngolo, «le recrutement n’est pas un piège tendu aux jeunes. Mais une possibilité qui leur était offerte pour amortir un peu les difficultés d’emploi. Dans la mise en œuvre, il y a ce que nous déplorons tous», a-t-il déclaré.
Dans une déclaration rendue publique le 22 novembre à Brazzaville, l’UPADS a dénoncé l’inorganisation des services techniques du ministère de la Défense nationale, s’apparentant à une négligence fautive de la part des gestionnaires du recrutement.
Elle a invité le Gouvernement à prendre au sérieux la problématique du chômage des jeunes.
De son côté, le PCT a exhorté le Gouvernement à conduire avec fermeté et diligence, le programme de la cellule de crise mise en place, notamment les diverses enquêtes en vue de situer les responsabilités dans ce drame qui plonge le pays dans une sidération totale.
Cyr Armel
YABBAT-NGO