Tous les 20 novembre, date de l’adoption à l’unanimité à l’ONU, de la Convention relative aux droits de l’enfant, est célébrée la Journée internationale des Droits de l’enfant. Cette date aussi est celle de l’adoption par l’Assemblée générale de l’ONU de la déclaration des Droits de l’enfant en 1959. Chloé Wagner, directrice du Samusocial Pointe-Noire revient sur cette journée dans l’interview qu’elle nous a accordée en novembre dernier, en insistant sur la vulnérabilité et l’innocence de l’enfant. «L’enfant, être vulnérable et innocent, ne doit jamais être violenté», dit-elle.

*Mme Chloé Wagner, pouvez-vous nous expliquer le thème de la Journée internationale des Droits de l’enfant cette année?
**Cette année, l’action est mise sur la prévention de la violence envers les enfants. Car, cela fait partie de l’un des droits. Le 20 novembre est le jour anniversaire de la Convention internationale des Droits de l’enfant. Cette date est pour nous comme un évènement. Mais tout au long du mois de novembre, nous avons mené une campagne de sensibilisation dans tous les arrondissements de Pointe-Noire. Pour ce faire, nous avons travaillé avec une vingtaine d’associations locales qui œuvrent pour les Droits des enfants ou pour la protection des enfants de manière générale. Nous avons mis en place des outils de sensibilisation qui sont des petits flyers pour sensibiliser les familles sur le danger qu’il y a à user de violence en famille.

*Quelles activités aviez-vous prévu au Samusocial pour cette Journée?
** Pour la journée du 20 novembre, nous étions un peu déçu à cause de la situation sanitaire qui s’est dégradée depuis le mois d’octobre dernier au Congo en général, et à Pointe-Noire en particulier. Au départ, on avait prévu une marche de solidarité qui partirait du Point Kasaï jusqu’à la préfecture, avec une lettre ouverte au préfet et à toutes les instances travaillant dans la ville de Pointe-Noire, afin de sensibiliser à cette cause des Droits de l’enfant. On avait aussi l’idée d’avoir avec nous un jeune homme qui depuis peu de temps est devenu ambassadeur de l’UNICEF, il s’appelle Sam Samouraï, un artiste assez connu. L’idée était d’utiliser le concept de cet artiste et d’autres tribunes, notamment des pièces de théâtres, afin d’attirer du monde et sensibiliser aussi. Mais, avec la situation sanitaire, ça n’a plus été possible d’avoir cette marche. Aussi avait-t-on décidé que chaque centre célèbre cette Journée. Et au Samusocial de Pointe-Noire, on s’était organisé avec les enfants pour être à tous les événements que chaque association avait célébré. Cela était la puissance de notre action.

*Il y a de plus en plus d’enfants dans les rues, est-ce le phénomène qui s’aggrave où les décideurs qui perdent pied?
** La raison principale pour laquelle les enfants arrivent à la rue, c’est la violence au sein des familles. Ça peut être des accusations de sorcellerie par exemple, il y a aussi le divorce des parents, etc. Ces violences peuvent être verbales, psychologiques, et parfois physiques. Dans la famille, elles sont la cause première du phénomène des enfants et jeunes en situation de rue. Depuis 2015, la crise économique qui sévit à Pointe-Noire en particulier liée à la situation pétrolière aggravée par la crise sanitaire se traduit par l’augmentation des violences et du nombre d’enfants dans la rue. Mais, avec la prise en charge, avec nos partenaires, nous essayons d’augmenter nos capacités d’accueil pour pouvoir faire face à ce phénomène. La stratégie est de continuer à faire ce qu’on peut faire et d’accroître nos actions de sensibilisation, de prévention; de nous déployer pour faire en sorte que la tendance s’inverse et que le nombre d’enfants qui arrivent à la rue puisse baisser de nouveau.

*Comment s’en sortent les enfants qui ne sont plus sous votre tutelle dans un pays qui manque de débouchés?
**Nous, nous avons trois choses qu’on propose à ces jeunes. Nous sommes des hébergements d’urgences pas un orphelinat et nous ne gardons pas des enfants longtemps. Car ils sont là pour des raisons médicales, de repos afin de pouvoir un peu se stabiliser puisque la vie de rue fait qu’ils ont beaucoup de dysfonctionnement dans leurs relations. Arrivés chez nous, ils apprennent à réapprendre à vivre normalement. On oriente les enfants vers les structures partenaires comme le Foyer père Anthonio, etc., afin qu’ils puissent retourner à l’école et repartir dans un fonctionnement un peu classique. Mais l’hébergement s’arrête dès l’âge de 18 ans. Après cela, nous avons mis en place des programmes de formation et d’insertion professionnelle pour les jeunes qui sont dans la rue ou dans les foyers de nos partenaires pour qu’ils puissent bénéficier d’une formation par exemple. Nous avons beaucoup de jeunes qui font de la mécanique. Nous, nous les accompagnons; nous les aidons dans le transport et à avoir un logement, des ressources, des matériels pour aller à leur formation. À l’issue de cette formation, nous essayons de les appuyer pour qu’ils puissent avoir les stages dans les entreprises partenaires, par exemple à Congo Terminal et à Bolloré. L’année dernière sept jeunes ont été en stage dans les entreprises partenaires. D’autres formations existent pour leur montrer comment être entrepreneur et monter sa propre entreprise. Nous avons 30 jeunes qui sont en formation à Don Bosco au Fond Tié-Tié. Mais, certains n’arrivent pas au bout du processus, par contre d’autres s’en sortent.

*Comment souhaitez-vous que la société vous aide?
**Que dans les familles les choses se passent un peu différemment pour éviter que les enfants arrivent à la rue. Mais, pour ceux qui sont déjà dans la rue, nous essayons de travailler sur le regard qu’on porte sur eux. La société devrait être attentive à nos messages qui disent bien ‘’attention les enfants en situation de rue et les bébés noirs, ce n’est pas la même chose’’. Nous souhaitons aussi que la société fasse attention à nous en tant que structure qui soutient ces enfants, car nous faisons de telle sorte qu’ils aient un projet de sortie de rue et avoir les moyens de mise en œuvre pour pouvoir vivre autrement.

Propos recueillis par
Madocie Déogratias MONGO