A l’occasion de la célébration de la fête de la République le 28 novembre 2024, le president de la République, Denis Sassou Nguesso, dans son message largement consacré à la jeunesse, a épinglé la non mise en œuvre des résolutions des Etats généraux de l’éducation nationale, de la formation et de la recherche (ÉGENFR).
Il a rappelé que l’année 2024 a été décrétée par lui, année de la jeunesse et que les résultats des Etats généraux ont été livrés depuis le mois de février de cette année. Une façon de dire que la jeunesse, qui en est la première bénéficiaire, attend la mise en œuvre de ces conclusions.
Le Chef de l’Etat a en outre fait deux révélations fort importantes et inattendues: la première: trois milliards suffisent pour payer chaque année les bourses des étudiants de l’Enseignement supérieur. Or, 9 milliards de Francs CFA sont programmés tous les ans. Le président de la République s’est donc interrogé sur la disparition de 6 milliards chaque année. Mais, la réponse n’est que secret de polichinelle, car il est très facile de trouver celui ou ceux qui détournent ces deniers publics.
La seconde, le président de la République s’est étonné que 10 mois après la fin des états généraux, en février 2024, le premier ministre, Chef du Gouvernement, n’ait pas mis en œuvre les lois d’abord et les résultats ensuite issus de ces états généraux. Il s’agit de trois lois: la loi sur l’organisation du système éducatif, la loi sur l’orientation de la recherche scientifique et la loi sur la programmation budgétaire.
En renvoyant aux calendes grecques la mise en musique des résolutions des ÉGENFR, le premier ministre, Chef du Gouvernement, Anatole Collinet Makosso, prend une triple et lourde responsabilité vis-à-vis du Chef de l’Etat, de la jeunesse en tant que première bénéficiaire de ces états généraux en souffrance dans les tiroirs de la primature, et de l’Histoire.
Ayant construit leur chemin dans un contexte marqué par la pandémie de la COVID-19 et un scepticisme ambiant tenace, les ÉGENFR, arrimés au Sommet mondial sur la transformation de l’Education (SMTE), loin d’être un délire inopérant ou une rêverie blâmable des lettrés, sont une chance inouïe pour la jeunesse et partant, pour le système éducatif congolais dont l’essoufflement et le manque de qualité sont décriés aussi bien par les enseignants, les apprenants que les parents d’élèves. Reste à espérer qu’ils n’aient pas le même futur que les expériences qui les ont précédés: l’échec.
Pour mémoire, en 1991, à l’issue de la conférence nationale souveraine à Brazzaville, un acte fut pris concernant l’organisation des états généraux de l’Education. Ouvert officiellement par le Gouvernement de transition du premier ministre André Milongo, ces états généraux de l’Education furent refermés aux lendemains de l’élection du président Pascal Lissouba qui souhaita s’impliquer personnellement dans leur organisation, selon son proche entourage.
Du 6 au 10 novembre 2006, Brazzaville abrita les assises de l’Atelier national de concertation sectorielle pour la refondation du système éducatif congolais (ANREC). Elles furent conçues au départ pour être les états généraux de l’Education lesquels auraient dû se tenir en 1992. Mais, compte tenu de la méthodologie adoptée s’inscrivant davantage dans l’urgence des problèmes à résoudre que dans une vision prospective globale, le Gouvernement de l’époque et les partenaires au développement, en l’occurrence le PNUD et l’UNESCO convinrent de redimensionner ces états généraux en un Atelier dénommé ANREC. Le coordonnateur en fut le ministre de l’Enseignement supérieur, Henri Ossebi et à ce titre président de la Commission nationale congolaise pour l’UNESCO. L’urgence des problèmes à résoudre fut liée à l’état de délabrement catastrophique du système éducatif, conséquence des tourmentes guerrières de 1997, 1998 et 1999 qu’avait connues le Congo, et caractérisées par des destructions massives et des pillages d’infrastructures scolaires, de formation et de recherche. A ce jour, le Congo peine à s’en relever. En dehors de ces tentatives de 1992 et 2006, il n’eut jamais des ÉGENFR.
A signaler que de nombreux séminaires, ateliers et colloques ayant conduit à l’élaboration des rapports, de programmes de plans d’actions, de politiques et de stratégies sectorielles au niveau national n’ont malheureusement pas réussi à répondre à trois questions fondamentales: pourquoi les problèmes du système éducatif congolais perdurent alors que plusieurs plans et stratégies ont été adoptés et mis en œuvre? Le système d’éducation et de recherche du Congo est-il adapté pour répondre aux objectifs et priorités de développement socio-économique durable du Congo? Que faire pour en sortir?
Les manifestations récurrentes de mécontentements observés au fil des années à travers des préavis de grèves, des grèves effectives ou des concerts de casseroles et autres vuvuzelas montrent bien les malaises et l’urgence de mettre en œuvre les résolutions des ÉGENFR, organisés pour l’avenir, à un horizon de 5 à 10 ans, en vue de transformer le visage du système éducatif, de formation et de recherche du Congo. «Combien l’éducation durera-t-elle? Juste autant que la vie. Quelle est la première partie de la politique? L’éducation. La seconde? L’éducation. Et la troisième? L’éducation», disait Jules Michelet dans Le Peuple.
Au regard du pacte de la transformation mondiale de l’Education signé par le Congo, le Gouvernement devra consacrer 25% du PIB au budget de l’Education. Respecter cet engagement sera un signal fort envoyé aux plans national et international. Et, vu les multiples défis à relever, qui sont importants et urgents, seules des mesures financières exceptionnelles soumises à la volonté du président de la République, le Chef de l’Etat, pourront impulser, de manière très significative, la transformation du visage du système éducatif, de formation et de recherche du Congo.
Viclaire MALONGA