Voici quarante ans (11 février 1983) que disparaissait Joseph Athanase Kabasele-Tshamala dit Grand Kallé ou Kallé-Jeef, père de la musique congolaise moderne. Pour commémorer cet anniversaire, la Fondation Kallé et sa famille biologique, en collaboration avec le ministère de la Culture, arts et patrimoine de la République Démocratique du Congo (RDC) ont tenu à lui rendre hommage. Une série de manifestations a été organisée le 11 février 2023 à Kinshasa, auxquelles la République du Congo a été officiellement représentée.

Les festivités ont été marquées par le dépôt de gerbes des fleurs sur la tombe de Grand Kallé, au cimetière de la Gombe où il repose pour l’éternité. Puis s’en est suivie la messe d’action de grâces, en la cathédrale Notre-Dame du Congo. Dans son homélie, l’abbé-recteur Camille Esika a vanté les qualités de l’artiste disparu. Un cocktail a été organisé au Fleuve Congo hôtel. La cérémonie a été rehaussée de la présence du Premier ministre de la RDC, Jean-Michel Sama Lukonde. Deux allocutions ont été prononcées, celle de la ministre de la Culture, arts et patrimoine, Catherine Katsunga Fura, puis celle du Gouvernement congolais par le ministre en charge de la Jeunesse et des Sports, Hugues Ngouélondélé, représentant la ministre de l’Industrie culturelle, touristique, des arts et des Loisirs, Lydie Pongault. Etaient aussi présents: le ministre en charge de la Coopération internationale, Denis Christel Sassou Nguesso, la députée, conseillère à la communication du Président de la République, Claudia Sassou Nguesso, ainsi que d’autres personnalités.
Des témoignages exprimés, on peut noter ceux de Jeannot Bombenga Wewando et de Petit Pierre, coéquipiers de Grand Kallé dans l’African Jazz. La cérémonie a été agrémentée par l’orchestre Les Bantous de la capitale, le groupe Vox Africa du doyen et patriarche de la musique congolaise Jeannot Bombenga, etc., avec à la clé diverses chansons dont celles de Grand Kallé. La célébration continuera tout au long de cette année, parce que c’est l’année de la célébration des 40 ans de Grand Kallé.
Plus connu sous le pseudonyme de Grand Kallé, Joseph Athanase Kabasele-Tshamala est né le 16 décembre 1930 à Matadi, ville portuaire de la RDC. Il est décédé le 11 février 1983 à Kinshasa, à l’âge de 53 ans. Musicien, chanteur et chef de groupe, il est considéré comme le père de la musique congolaise moderne. Sa carrière s’est particulièrement développée au sein du groupe de rumba africaine et de cha-cha-cha. Son orchestre, African jazz, groupe le plus populaire de l’époque, a vu défiler dans ses rangs de nombreux artistes comme les guitaristes Charles Mwamba «Dechaud» (frère de Dr Nico ), Tino Baroza, Papa Noël Nedule et Casimir Mutshipule «Casino»; les bassistes Albert Taumani, Joseph Mwena et Armando Moango Brazzos.
Des percussionnistes Antoine Kaya Aka Kaya Depuissant, Baskis et Petit Pierre Yantula; le batteur Charles Henault; les saxophonistes Isaac Musekiwa et André Menga; le trompettiste Dominique Kuntime dit Willy; les vocalistes Tabu Ley Rochereau, Joseph Mulamba Aka Mujos Mulamba, Jeannot Bombenga, Mathieu Kouka, Paul Mizele, Pamelo Mounk’A ou encore Sam Mangwana… En 1960, il a fondé son propre label, «Surboum African jazz», qui devient un véritable tremplin pour les musiciens du nouveau courant musical congolais. Grand Kallé a produit l’orchestre TP OK jazz de Franco Luambo Makiadi et permis de diffuser des enregistrements de qualité vers les marchés occidentaux. Musicien engagé, lumumbiste, il a consacré l’une de ses chansons à Emery Patrice Lumumba, l’un des pères de l’indépendance de la RDC. Il a laissé un titre intemporel, «Indépendance Cha-Cha», l’un des plus grands succès de la musique africaine, écrit lors de la fameuse Table ronde en Belgique au cours de laquelle devait se décider l’avenir de l’actuelle RDC. Au Congo, comme en Afrique, il était bien connu, il a livré de multiples concerts à Brazzaville, notamment chez Faignond bar à Poto-Poto et à Pointe-Noire. Aussi, pour le soutenir, un ‘’Club Kallé’’ a été créé par des Brazzavillois.
L’engagement pour la paix et l’unité africaine de Grand Kallé, considéré comme l’un des artistes les plus populaires d’Afrique, n’a pas été compris. Abandonné en 1963 après une tournée triomphale de son groupe en Afrique de l’Ouest par tous ses musiciens qui sont allés former l’African fiesta, Grand Kallé est traqué et surveillé de toutes parts. Il s’exile alors à Paris (France) où il crée l’orchestre African Team aux côtés de talentueux musiciens comme Manu Dibango, Jean Serge Essous…, mais l’expérience tourne court. Il se retrouve seul, sans orchestre, sans fortune, séjourne un peu partout en Europe et dans plusieurs capitales africaines et retourne au Zaïre, actuelle RDC. De nouveau déçu, il regagne la France et finit par revenir à Kinshasa où il meurt le 11 février 1983.
C’est à l’âge de 19 ans que Joseph Kabasele s’est engagé totalement dans la chanson, en animant les séances publiques, les fêtes de quartiers et veillées mortuaires, avant d’intégrer son premier groupe musical, orchestre de tendance congolaise, de Georges Doula. Il sort ses premières oeuvres à succès comme “Chérie Loboga”, ou “Para Fifi…” Pour pérenniser sa mémoire et valoriser son patrimoine, le 8 février 2019, la Fondation Kallé, dont la mission est de valoriser ses œuvres, a lancé à Brazzaville l’album «Pont sur le Congo», le meilleur du Grand Kallé enregistré par Les Bantous de la capitale entre septembre et novembre 2018 sous le regard bienveillant d’Edo Ganga. Composé de vingt titres, cet album a été produit par Eddy Fleury Ngombé, avec le soutien de la promotrice de ce projet, Claudia Sassou Nguesso. Grand Kallé avait une voix exceptionnelle, ces titres de gloire ne se comptent pas. Il a vécu en chantant et chantait pour vivre, et il nous a quittés pour être encore plus près de nos souvenirs.

Alain-Patrick MASSAMBA