La Cour Suprême a fait le 15 janvier dernier sa rentrée judicaire, au cours d’une audience solennelle présidée par son premier président, Henri Bouka. Une première dans les annales de cette institution créée en 1961. C’était en présence du Chef de l’Etat, Denis Sassou-Nguesso, président du Conseil supérieur de la Magistrature; des présidents des deux chambres du Parlement, du Premier ministre et des membres du Gouvernement.
La salle internationale du Palais des congrès était archicomble: magistrats, notaires, avocats, huissiers, greffiers venus de Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie, Ouesso étaient présents, tous vêtus de leurs toges.
L’audience solennelle de la rentrée judicaire procède de la volonté de permettre chaque année, à la plus haute juridiction nationale, de rendre compte de ses activités.
Dans son allocution, le Chef de l’Etat a insisté sur le respect de la loi. «Respecter la loi est donc, pour le juge, un devoir sacré. Ainsi, je vous renvoie à vos devoirs de juge en matière de bonne gouvernance juridique et judiciaire et de bonne administration de la justice», a-t-il dit.

Il a rappelé que l’éradication de tout ce qu’il avait dénoncé sans cesse, en termes d’antivaleurs, demeure encore, à ce jour, une question d’actualité. Le président du Conseil supérieur de la Magistrature a invité les magistrats à améliorer fondamentalement les délais de jugement. «Vous devez combattre la lenteur qui érode l’image de la justice, ronge sa notoriété et peut, si l’on n’y prend garde, ruiner sa crédibilité devant l’opinion», a exhorté Denis Sassou-Nguesso.
Pour lui, le pari de la célérité et de l’efficacité dans le traitement des affaires doit être gagné. A contrario, il a proscrit une justice hâtive et précipitée, souvent aux desseins inavoués. «Ce n’est pas cette justice que l’Etat congolais attend pour son peuple et tous ceux qui ont choisi notre pays comme terre d’accueil. Votre responsabilité d’œuvrer à endiguer toutes formes de comportements infractionnels n’a de bornes que l’avènement d’une ère de plus grande confiance en vous et en la justice dont vous êtes les principaux animateurs», a-t-il déclaré, tout en rappelant aux magistrats que depuis l’antiquité, ils sont toujours exposés au virus de la corruption.
S’adressant aux huissiers de justice, il a réitéré la mission de poursuivre l’exécution des décisions ne peut s’ «accommoder de tout ce à quoi nous assistons ces derniers temps. Il s’agit particulièrement des frais exorbitants que les huissiers de justice font payer aux parties perdantes. A cela, il faut ajouter leur propension et leur acharnement à saisir les comptes en banque des parties perdantes, les rendant, en totalité, insusceptible de tout mouvement. Certains huissiers s’illustrent par ces pratiques éhontées qui anticipent ou n’attendent jamais, ni les effets du pourvoi en cassation engagé, ni encore moins la fin de la procédure. De tels comportements, qui n’honorent guère le système judicaire, ont conduit, sous d’autres cieux, à l’effondrement et à la ruine de pans entiers de l’économie nationale», a-t-il dénoncé.
Pour le Chef de l’Etat, les opérateurs économiques doivent se sentir en sécurité au Congo s’agissant de leurs activités. D’où la nécessité de toujours veiller à améliorer régulièrement le climat des affaires. «Tout comme le magistrat, l’huissier de justice doit être un homme d’honneur, respectueux des lois et règles de son métier. Ici, se construit le socle de confiance et d’assurance dont l’attractivité rythme la mobilisation des investissements étrangers en faveur du Congo. C’est la responsabilité du pouvoir judiciaire qui n’a que trop porté préjudice à l’image et la crédibilité de notre pays vis-à-vis des partenaires au développement».
Denis Sassou-Nguesso a rappelé l’impartialité des magistrats dans la pertinence des décisions rendues. Il a demandé à la Cour suprême de publier ses arrêts afin que les juridictions d’instance et d’appel les connaissent, s’en imprègnent et s’en servent pour donner une image harmonieuse et régulée de la justice. «L’obligation de motiver les décisions de justice doit être sacralisée. Nul magistrat ne peut l’éluder. Le respect du sacro-saint principe du contradictoire doit être une des pierres angulaires de notre système judiciaire».
Et d’ajouter: «Il me revient souvent que des personnes n’ayant jamais comparu devant une juridiction, ont pu être condamnées et n’ont été mises au courant du fait qu’au moment de l’exécution contre elles de la décision rendue. De telles pratique n’honorent pas notre justice et ne créent pas la confiance que le peuple doit avoir en sa justice. Pour leur part, les audiences de fragrant délit doivent être réhabilitées selon les règles de l’art».
Pour éradiquer les dysfonctionnements constatés et décriés, le Chef de l’Etat a ordonné le fonctionnement de la commission de discipline des magistrats pour être un «véritable incitateur au devoir de probité, à l’exemplarité, au travail acharné et de qualité. L’objectif à atteindre est de protéger l’institution judiciaire contre les comportements pouvant nuire à son prestige, à son rayonnement et à sa bonne considération», a-t-il précisé.
Il a en outre rappelé qu’il n’y a pas de syndicat à la justice. «L’interdiction de vous syndiquer, comme celle faite aux membres de la force publique, est la reconnaissance de ce que la justice comme la force publique sont pour l’Etat et la nation: des piliers. Chaque magistrat doit s’interpénétrer de ce que, dans chaque nation, la justice doit, par la pertinence de ses décisions, convaincre, rassurer, sécuriser, montrer son utilité et, de la sorte, participer au progrès de la nation. Sur ce chapitre, la discipline au sein des parquets doit être de rigueur, pour une bonne administration de la justice», a-t-il affirmé.
Aux bâtonniers et avocats des différents barreaux, tout en garantissant leur indépendance, il leur exhorté à donner le meilleur d’eux-mêmes afin que, de la contradiction jaillisse la justice.
Pour cette année judiciaire, il a souhaité que s’intensifie l’effort de modernisation du système judiciaire par, entre autres, une meilleure organisation du travail au sein des cours et tribunaux.
Nous reviendrons sur l’audience solennelle de la Cour suprême dans notre prochaine édition.
Cyr Armel
YABBAT-NGO