A 64 ans, l’ancien international congolais qui vit actuellement à l’Ile de Réunion, garde de merveilleux souvenirs de ses vingt et un an de footballeur amateur au début, professionnel ensuite, et suit avec inquiétude l’évolution du football national. Il était récemment à Brazzaville. Deux semaines de vacances, vingt-cinq ans après son dernier séjour dans son pays natal. Rien de tel pour se forger une vision lucide sur le football congolais. Entretien.

*Gaspard Ngouété, que devenez-vous?
**A la fin de ma carrière en 1995 à l’Ile de Réunion, je me suis installé définitivement dans ce département français d’Outre-mer. Je travaille à la mairie de Tampon comme adjoint technique Territorial. D’autre part, je continue à suivre des gamins de 7 à 13 ans que j’entraîne, puisque j’ai mon diplôme de football UEFA. Je suis père d’enfants, et donc particulièrement sensible à tout ce qui peut aider les jeunes.
*Que reste-t-il du gamin que vous étiez?
**Il me reste le souvenir d’un enfant qui contracte le virus du football dans les casernes, au Camp Milice à Bacongo puis au Camp du Djoué à Makélékélé, où mon père, gendarme, a successivement habité. Ma famille aimait le sport, puisque mes deux aînés notamment, Félix Mfoutou (NDLR: champion d’Afrique des nations en 1972 et des clubs champions en 1974) et Antoine Bisseyou (international de football et de handball) faisaient du sport en compagnie de notre père. Ce sont eux qui m’ont donné le goût du football.
*Comment avait démarré votre histoire avec le ballon rond?
** Au Camp, on s’amusait beaucoup. Chaque enfant garde, je pense, de très bons souvenirs de ses premiers moments de football. Mais c’est alors que j’avais suivi mon père à son dernier poste d’affectation, à Ngiri, un village situé à 7km de Mouyondzi, que j’ai signé ma première licence dans l’équipe Feu Noir. J’avais 11 ans. J’ai ensuite évolué dans Botafogo de Mouyondzi, le club dont François M’Pelé avait porté aussi le maillot quelques années plus tôt avant de signer au Standard. Il faut signaler que mon père et celui de François M’Pelé, gendarme lui aussi, étaient de grands amis. Quand l’un partait en vacances, il laissait la garde de ses enfants à l’autre. De retour à Brazzaville en 1970, un ami m’a recommandé aux dirigeants du T.P Reims de Moungali, où nous habitions rue Djambala. Fait insolite: à cette époque, j’évoluais au poste de gardien de but. Un jour, je me suis reconverti attaquant. J’avais déjà une belle force de frappe.
*Comment était le football pour un jeune au début des années 70?
**Sans véritable arrière-pensée, on se laissait aller. On n’avait pas de plan, de carrière, on jouait au foot pour s’amuser. On était porté par la vague. Et à côté de cela, mes parents me poussaient à aller loin dans les études. J’ai les ai continuées au lycée technique. A l’époque avec ce diplôme, tu trouvais du travail très rapidement, ce qui n’est plus du tout le cas. Aujourd’hui ce n’est qu’un passage.
*Aviez-vous un joueur qui vous faisait rêver plus qu’un autre?
**Bien sûr, et en réalité plusieurs. Moukila en faisait partie. A 16 ans, je me suis beaucoup inspiré de lui, et à 18 ans je l’ai retrouvé ensuite sur le terrain dans l’Inter Club.
*Comment vous êtes-vous retrouvé à l’Inter Club?
**Je suis arrivé en 1974. L’équipe avait une très bonne image avec beaucoup d’internationaux. J’avais également été approché par Standard. Mais mon cœur battait plus pour le CARA, club où jouait déjà notre aîné. Malheureusement, mon oncle, un sergent-chef de l’armée, à l’époque, ayant appris la nouvelle, m’avait intimé l’ordre de signer dans Inter Club sous l’instigation de Jacques Yvon Ndolou.
*Vous avez fini malgré tout par rejoindre le CARA quelques années plus tard!
**On avait remporté la Coupe du Congo en 1977. Au moment de disputer la Coupe d’Afrique des vainqueurs de coupe, j’avais un sentiment de frustration puisque je n’avais pas été retenu. Cela m’a énervé et j’ai changé d’air. J’ai signé au CARA, mais je ne suis pas resté deux saisons. J’ai cédé à l’appel de François M’Pelé qui m’avait trouvé un club en France.
*Lequel?
**D’abord le RC Lens, avant de se raviser. J’ai atterri finalement à Paris, au Stade Français. J’avais débarqué à 23 ans. Paris, c’est la terre de mon apprentissage de footballeur professionnel. J’en ai découvert les réalités et appris les exigences de ce métier pas tout à fait comme les autres. L’adaptation s’est opérée si rapidement, heureusement. Les six années passées au Stade Français, on est monté de la division 4 à la division 2. Mais l’équipe a malheureusement déposé le bilan à la fin de la saison 1984-1985.
*Et après?
**J’ai rejoint les rangs de Chaumont en 1985. Mouyabi ‘’Shaleur’’ y jouait déjà. Je ne l’ai pas regretté, puisque j’ai terminé meilleur buteur de l’équipe avec 15 réalisations.
*Et pourtant te voilà en train de refaire tes valises pour aller, cette fois, à Bastia en 1986.
**Je crois que c’était plutôt une affaire de circonstance. Plus, en tout cas, qu’un problème d’instabilité. L’année d’avant j’avais presque seul éliminé Bastia en Coupe de France. Quand il s’est agi de recruter un chasseur de but, c’est Francis Borelli, l’ancien président du PSG qui, dit-on, m’avait chaudement recommandé à son homologue de Bastia. Un choix dont personne ne s’est plaint, les chiffres parlant d’eux-mêmes: 21 buts et meilleur buteur du groupe B de deuxième division.
*Combien de temps es-tu resté à Bastia?
**Le club ayant eu des difficultés financières, j’ai été transféré à Nîmes, mais dans ce club je me suis brouillé avec l’entraîneur. Et comme les statistiques n’avaient pas été ceux escomptés, je me suis retrouvé la saison suivante au FC Bourges en division 3, où j’ai marqué 24 buts. J’étais le meilleur buteur de tous les groupes confondus.
*Vous vous êtes encore envolé vers d’autres cieux à la fin de la saison. Toujours votre envie de bouger?
**Non, pas vraiment. Je gagnais gros, l’équipe a tenté de baisser mon salaire à cause des difficultés financières comme Bastia. J’ai refusé, surtout que je venais de recevoir une offre intéressante du club de la Réunion, US Tampon. J’y suis allé, j’ai remporté 7 titres de champion et c’est là-bas que j’ai mis fin à ma carrière en 1995.
*Votre carrière, c’est aussi l’équipe nationale
**Pendant cette période, j’ai participé à presque tous les matches officiels. Je répondais aux convocations, je le faisais d’autant plus volontiers que c’est toujours un honneur d’être appelé à défendre les couleurs de son pays.
*Votre meilleur match sous le maillot des Diables-Rouges?
**Congo-RCA en 1986 à Brazzaville. J’étais époustouflant. J’avais marqué deux splendides buts. Il est vrai que j’avais en Bakékolo ‘’Kwakara’’ un passeur en état de grâce ce jour-là. Il avait marqué un but lui aussi, tout comme Makita et Francis Samba. A propos de Francis, c’est douloureux de l’évoquer, car il est mort à l’Ile de Réunion où nous nous sommes retrouvés ensemble. Seul Dieu sait comment je me suis investi pour que son corps soit rapatrié.
*Si vous n’aviez pas fait carrière dans le foot?
**J’aurai sans doute pris déjà ma retraite comme tourneur-fraiseur à l’ex-RNTP où je travaillais quand le général Yombi-Opango était DG.
*Dernière question: quel regard portez-vous sur le foot congolais?
**Je suis navré qu’il n’y ait pas de compétitions de jeunes ici. Si on ne s’investi pas dans la formation, on continuera à regretter notre glorieux passé.

Propos recueillis par Guy-Saturnin
MAHOUNGOU