
POOL : Les terres coutumières des familles Liko et Ngangou Mangassa reconnues par l’Etat

La Commission nationale de reconnaissance des terres coutumières s’est réunie le 1er juillet dernier à Kinkala, département du Pool, au cours d’une session extraordinaire, pour examiner les affaires introduites par six familles, en vue d’une reconnaissance de leurs terres coutumières. Les travaux étaient présidés par le ministre d’Etat, ministre des Affaires foncières et du domaine public chargé des relations avec le Parlement, Pierre Mabiala, en sa qualité de président de la Commission, en présence de Mme Emma Bertille Bassinga-Nganzali, secrétaire générale du département, représentant le préfet du Pool, et Michel Bouboutou Mampouya, président du Conseil départemental du Pool.
Les travaux se sont déroulés dans la salle de conférences du Conseil départemental du Pool. Face à Pierre Mabiala, étaient installés les membres de la Commission, les représentants des familles Liko, Alouna, Mboumbou, Nganga Mangana, Ngouambami, Ngagouelé, ainsi que celles des villages limitrophes.
La secrétaire générale du département du Pool, assurant le poste de premier vice-président de la Commission, a rappelé qu’une terre sécurisée et immatriculée est exempte de tout litige. «Bien géré, la terre évite des conflits fonciers, la pauvreté et l’insécurité foncière», a-t-elle dit.
C’est tout le sens à donner à toutes les descentes du ministre d’Etat à travers les différents départements du pays. La reconnaissance des terres coutumières est une procédure de régulation de la gestion du foncier national qui permet de sécuriser les droits de propriété en mettant en place toutes les garanties pour conforter les propriétaires qui exploitent ou donnent en location leurs terres, et de protéger les droits de ceux qui reçoivent des terres, à titre onéreux ou gracieux, pour une exploitation à durée déterminée.
Sécuriser les droits de propriété revient à faire reconnaître les terres coutumières par l’Etat, en vue de les immatriculer et d’obtenir un titre foncier y afférent, pour les rendre disponibles à la réalisation des transferts de propriété débarrassés de toute forme de conflit et gage de sécurisation.
Appelé par le ministre d’Etat à se présenter devant les membres de la Commission pour apporter quelques réponses à leurs préoccupations, certains mandataires généraux ont soufflé le chaud et le froid. Ils sont sortis difficilement de cette épreuve. Des oppositions ont été faites sur les terres des familles Ngouambami, situées au village Kitsaninga, dans la sous-préfecture d’Ignié, et Alouna, situées à Mbé, dans la sous-préfecture de Ngabé.
Pour la première famille, deux jugements de désignation du mandataire général ont été présentés par les deux parties en conflit avec des noms différents. «Comment une même affaire peut-elle être jugée deux fois, en donnant raison aux uns et aux autres? C’est une cacophonie judiciaire. Ce dossier est ajourné en attendant la décision de la Cour d’Appel. Nous n’avons plus compétence tant que la justice est saisie», a expliqué le ministre d’Etat.
Quant au dossier de la famille Alouna, les choses étaient plus compliquées. Le mandataire général Frédéric Yavanguiele, ancien sous-préfet de Boko, a fait usage de faux.
Mme Tsalou Pauline s’est vue imiter sa signature. «Je n’ai jamais signé le procès-verbal introduit dans le dossier», a-t-elle fait savoir.
«Votre signature est bien là. Venez voir», demande le ministre d’Etat. «Non», répond-t-elle.
Se retournant vers le mandataire général, le ministre d’Etat lui pose la question: «Qui a signé à sa place».
«C’est son frère», a-t-il répondu. «C’est des complices, des escrocs fonciers. J’ignore l’existence de ce procès-verbal», a répliqué Mme Tsalou Pauline, tout en contestant la qualité de propriétaire terrien que s’est auto-proclamée Frédéric Yavanguiele, ancien cameraman de Télé-Congo qui, selon elle, n’a pas de terres à Mbé.
«Mr le Procureur, il y a usurpation de la signature de la dame. C’est du pénal», a indiqué le ministre d’Etat.
Prenant la parole, Mr Barthélemy Mbalawa, s’opposant au mandataire général, enfonce le clou. «Il a reçu 11.500.000 F.CFA, à Ngabé, dans le cadre d’un projet que devrait réaliser la ministre de l’Economie forestière», a-t-il dénoncé.
«Il continue à mentir jusqu’à aller extorquer le Gouvernement. A ce stade, M. le Procureur, quel est votre avis?», a demandé le ministre d’Etat. «Il y a des faits supposés infractionnels qui viennent d’être constatés. En temps opportun, nous engagerions des poursuites judiciaires», a expliqué le Procureur général de Kinkala.
«C’est des terres du royaume. L’aspect civil, c’est l’ajournement du dossier, le temps que les parties se pourvoient. En ce qui concerne le pénal, vous avez l’opportunité des poursuites. Dans ces poursuites, il y a la plainte ordinaire et le flagrant délit. Nous sommes là devant une flagrance. Il a été une autorité et il se permet d’engager la signature d’une personne qui n’est pas là. Ça veut dire que lorsqu’il était sous-préfet, il pouvait signer les actes de naissance à des étrangers. Je souhaiterais que vous le preniez en flagrant délit. La police judiciaire est là, il suffit pour vous de donner l’ordre. Nous n’allons pas continuer à caresser les gens qui ne respectent pas les lois de la République. J’attends, Procureur que vous agissiez», s’est impatienté le ministre d’Etat.
«Mr Frédéric Yavanguiele, reconnaissez-vous avoir participé à l’établissement de ce procès-verbal que vous avez versé dans le dossier, en qualité de mandataire général?», interrogea le procureur général.
«Oui», répond aisément Frédéric Yavanguiele, sans savoir le sort qui devait lui être réservé, en donnant cette réponse à une question piège.
«M. le ministre d’Etat, il sera mis aux arrêts. Le temps d’ouvrir une enquête pour élucider davantage le dossier», a dit le procureur général.
«Vous êtes à la disposition du procureur général et de la police judiciaire. Prenez-le! La complaisance a trop duré», a ordonné le ministre d’Etat.
Retiré de la salle, Frédéric Yavanguiele a été mis aux arrêts.
S’agissant des autres dossiers, celui de la famille Mboumbou a été ajourné pour cause d’absence du mandataire général, y compris celui de la famille Ngagouelé. Malade, le mandataire général était dans l’incapacité de répondre aux questions des membres de la commission.
Seuls les dossiers des familles Liko et Ngangou Mangana ont été validés. Deux options de paiement des frais, droits et taxes d’immatriculation de ces terres telles que reconnues par l’Etat, se présentaient à M. Michel Itsali et Simon Missafou Mangana, mandataires généraux. En espèce, les deux familles auraient dû payer 10% de la valeur vénale de leurs terrains. Et, en nature, elle devait rétrocéder 5% d’une portion de leurs terres à l’Etat.
Faute d’argent liquide, ils ont opté pour le paiement en nature. Le ministre d’Etat a remis à chacun des mandataires généraux, pour le compte de leur famille terrienne qu’ils représentent, le procès-verbal de reconnaissance des terres coutumières de sa famille.
En vertu de la loi, «vous ne devrez jamais procéder à la vente, à la donation, à l’échange ou de manière générale au transfert de propriété en tout ou partie de vos terres reconnues par l’Etat à toute personne physique ou morale de nationalité étrangère», a signifié le ministre d’Etat, tout en précisant que leur droit de propriété sur leurs terres coutumières reconnues porte exclusivement sur le sol. «Les ressources naturelles du sol et du sous-sol contenues dans vos terres coutumières sont la propriété exclusive de l’Etat».
Cette session extraordinaire a permis de constituer une réserve foncière d’une superficie totale de 3661ha 49a 44ca au profit de l’Etat, en application de la procédure légale de rétrocession foncière au titre du paiement par nature des frais et taxes liés à l’immatriculation des terres coutumières reconnues par l’Etat. «La réserve foncière de l’Etat issue de cette rétrocession sera placée dans le domaine public et immatriculée au nom de l’Etat», a dit le ministre d’Etat.
Cyr Armel
YABBAT-NGO