Celui qui deviendra archevêque de Brazzaville, Théophile Mbemba, est né le 6 mai 1917 au village Mpiaka près de Ngamaba. Cela fait donc déjà 104 ans depuis qu’il était né. Il devint chrétien, baptisé par le père Dréan à 7 ans, à la mission de Kindamba où il avait suivi son frère qui était enseignant. En 1930, il est admis au Petit séminaire et est ordonné prêtre ensemble avec Fulbert Youlou, Benoît Ngassongo, Raphaël Ndangui et Louis Loubassou en 1946.

Il commence son ministère sacerdotal comme professeur de la classe de 5e à Mbamou (1946-1947). Après son ministère de professeur à Mbamou, il est envoyé comme vicaire à Linzolo et quelques années après à Voka. Dans ces deux missions il fut vicaire, jusqu’en 1956, puis vint travailler comme curé à Notre-Dame du Rosaire de Bacongo.
En 1961, l’abbé Théophile Mbemba est choisi comme vicaire général par Mgr Michel Bernard, archevêque de Brazzaville. Le 1er novembre 1961, l’abbé Théophile Mbemba est nommé coadjuteur. Son ordination épiscopale interviendra le 11 février 1962. Il succèdera à Mgr Bernard, le 7 février 1965 et prendra aussitôt possession de son siège comme premier archevêque congolais de Brazzaville.

Un homme d’action
Mgr Mbemba a su lier très tôt la prière à l’action. Quand il était curé de Notre-Dame de Bacongo, il n’a pas hésité devant les jeunes qui n’allaient pas au-delà de la classe de CM2, d’ouvrir le Collège Mî Mbemba. Dans la paroisse, il avait ouvert aussi une briqueterie pour pouvoir lancer les travaux de la nouvelle église.
Il faut signaler que Mgr Mbemba est devenu archevêque de Brazzaville à un moment où l’Eglise universelle était en plein aggiornamento et notre pays sortait à peine du colonialisme et était déjà dans les tourments de ce qu’on appellera à l’époque ‘le péril jaune’. Les évêques de l’AEF (Afrique équatoriale française) décrivent les dangers qui menaçaient à l’époque la foi dans la région centrale du continent. Ils citent le matérialisme athée dans leur lettre du 26 septembre 1957, adressée particulièrement aux militants de l’Action catholique.
Le climat politico-social dans le pays changea dès l’année 1963 et le Congo commença à professer le marxisme athée et on vit même une grande pancarte au bas de la cathédrale disant la profession de foi des marxisants congolais: «Le travail a créé l’homme». La situation demandait des hommes bien engagés pour la cause de la foi et la cause de Dieu. Dans ce climat, ô combien, délétère et au cours duquel notre Eglise a été durement persécutée, Mgr Théophile Mbemba a été l’homme du moment. Il était l’homme qu’il fallait en ces temps difficiles. Il rentra précipitamment du Concile Vatican II à cause de l’emprisonnement de M. l’abbé Louis Badila. Les prêtres étaient allés l’accueillir à Maya-Maya et aussitôt arrivés à la cathédrale, une rencontre fut organisée pour faire le point à l’archevêque. Certains membres du clergé voulaient que les chrétiens marchent vers le palais présidentiel pour montrer leur mécontentement. Mgr Mbemba s’opposa à cette suggestion, car pour lui, c’était exposer les chrétiens à une tuerie certaine.
Son rayonnement de véritable père et chef de l’Eglise transforma le laïcat congolais de Brazzaville et de tout le Congo. Ainsi par exemple, devant le manque de lieux de catéchisme et la pénurie de catéchistes après la nationalisation des écoles, on vit un élan inouï plein de courage de la part des laïcs, hommes et femmes qui ouvraient des postes de catéchisme dans leur parcelle et s’engageaient tout aussi bénévolement pour enseigner la Parole de Dieu (le catéchisme).
Les vocations sacerdotales et religieuses (féminines et masculines) ne connurent pas un grand choc, même si les missionnaires épiloguaient après la Révolution d’août 1963 sur l’avenir des vocations au sein de la jeune Eglise du Congo. Il faut dire que sur le terrain, la réalité était autre, car, il y avait plus de petits séminaristes dans les années 60 que du temps de l’Eglise missionnaire. Une fois de plus, Mgr Mbemba se montra un homme intrépide pour renouveler les maisons de formation religieuse et mieux faire épanouir les vocations sacerdotales et religieuses en terre congolaise. Il renouvela ainsi les structures du Petit séminaire de Mbamou et du Grand séminaire Libermann du Djoué, tout comme les instituts des religieux comme celui des Frères de Saint-Joseph qui avait disparu, les derniers religieux ayant rejoint d’autres instituts plus prospères à tous points de vue.
Pour les vocations religieuses féminines, il ouvrit le juvénat de Zungula pour renouveler l’institut des religieuses congolaises commencé par Mgr Biéchy. En lien avec le père Didace Malanda, Mgr Mbemba jeta les bases d’un nouveau séminaire à Brazzaville, qui serait la continuation de Mbamou. Le terrain fut acquis et c’est là qu’ont été construits les Grands séminaires Cardinal Emile Biayenda et Mgr Georges Firmin Singha actuels, à Kinsoundi. Il demanda aux instituts religieux masculins comme féminins de ne plus recruter de candidats; celui ou celle qui se sentait la vocation religieuse devait aller au juvénat des Frères de Saint Joseph pour les jeunes gens ou à Zungula pour les jeunes filles.

Un homme de prière
Nous lisons beaucoup d’articles où cette dimension est bien souvent mise en exergue dans la vie de Mgr Mbemba. Dans la suite de Mgr Paul Biéchy, qui les avait ordonnés prêtres, c’est Marie, la Mère de Dieu et des hommes, qui était une forte référence dans sa prière individuelle. Il a repris pour cela la devise de Mgr Biéchy: «Esto mater propitia» (Sois nous propice, Sainte Mère). Sa dévotion mariale, très profonde, est soulignée par le cantique, devenu célèbre et très populaire: «Nsola nà yo, m’sitù nà yô». Cette dévotion mariale prit encore plus d’ampleur en lui, quand sa santé ne lui permit plus de lire son bréviaire et que le Rosaire nourrissait profondément sa spiritualité.
Une spiritualité dans laquelle tenait place son adhésion à la fraternité sacerdotale: «Jesu Caritas». On se rappelle avec émotion l’influence qu’a eu la spiritualité de Charles de Foucault sur des prêtres comme Mgr Michel Thirriez, l’abbé Jules Kiyindou, le Cardinal Emile Biayenda et bien d’autres encore. Mgr Mbemba était le premier responsable de cette fraternité sacerdotale avant son ordination épiscopale. Ceci devrait interpeller le clergé congolais qui a du mal aujourd’hui à mettre en place des fraternités sacerdotales comme l’UAC (Union apostolique du clergé) ou la fraternité Jesu Caritas ou encore la fraternité sacerdotale Cardinal Emile Biayenda.

L’homme visionnaire
Mgr Théophile Mbemba s’est beaucoup investi pour son Eglise; il est pour cela un véritable martyr. C’est-à-dire un témoin de l’amour de Dieu dans un Congo en pleine mutation. Il a voulu laisser une Eglise responsable et autonome et cela sur tous les plans: vocations sacerdotales et religieuses, situation financière et matérielle du diocèse. Il a été un pionnier assez visionnaire. Sans aucune hésitation, entrons joyeusement dans cette Année du Jubilé des 50 ans de la mort de Mgr Théophile Mbemba!

Abbé Jacques BOUEKASSA
Président de la Commission ad hoc