De semaine en semaine, l’affaire dite de la cession des terres congolaises au Rwanda gagne en épaisseur, en brouillard. Malgré les démentis du Gouvernement, la rue maintient que si des terres n’ont pas été vendues à des hommes d’affaires rwandais, elles le seront bientôt. Le Premier ministre a beau multiplier les gestes de bonne volonté et faire preuve de transparence, l’opinion alimente sa propre fantaisie : «il y a anguille sous roche», doit-on comprendre.
Quoiqu’il en soit, et quelle que soit la vérité des accords passés entre le Congo et le Rwanda, le citoyen congolais n’entend pas se plier à la réalité des faits. Il croit que ces accords véhiculent un agenda caché que nos gouvernants ne peuvent pas avouer. Car tout l’acharnement mis à nous convaincre ne se justifie pas si le gain attendu est juste quelques paniers de piment. Et tel Astérix le Gaulois, le Congolais campe sur ses positions et se dit que la vérité finira bien par se savoir. Il n’a pas à se précipiter !
D’abord parce qu’il n’y a aucun intérêt à le faire. Non loin de nous, les frères et sœurs de la République démocratique du Congo soufflent le chaud à la faveur de la guerre horrible qui sévit à leur partie Est. Coopérer avec le Rwanda serait pour nous comme un délit de non-assistance à frères en danger. De la trahison ! D’ailleurs, le président Tshisekedi avait clairement dénoncé cette attitude vue par lui comme une manière de «poignarder un frère dans le dos».
Notre coopération éventuelle avec le Rwanda sera donc toujours tributaire du retour à la paix à la frontière avec la RDC. Ils sont en guerre aujourd’hui et ne semblent pas désireux d’ouvrir des négociations pour le retour à la paix. Mais tous deux ne nous convainquent pas non plus de leur détermination à en finir en abandonnant le recours aux armes. En attendant, les proclamations et les menaces entre eux deux se poursuivent.
Et la sous-région regarde avec effroi le nombre de morts s’additionner dans le Kivu. Des masses de personnes au bord de la famine sont transbahutées ici et là et appellent à l’aide. Tout à leurs joutes, les dirigeants des deux pays «ennemis» s’accusent d’attiser la haine chez le voisin et se promettent mille représailles si on touche à Goma ou si l’on franchit la frontière. A Brazzaville, la population regarde ce mauvais film.
Symbole parfait d’un monde où tout est lié, nous espérons la fin de ce conflit pour aérer nos relations avec le voisin avec qui nous avons en partage le nom et le fleuve. La rumeur se nourrit de mille épisodes craints et redoutés, alimentant les défiances.
Albert S. MIANZOUKOUTA