Aussitôt construits, aussitôt abîmés; à peine réhabilités, nouvelles dégradations; c’est le commentaire ironique que les Congolais font de plusieurs axes routiers du pays. Ils parlent d’éternel recommencement. L’opinion se rend compte en effet que beaucoup de routes goudronnées se détériorent très rapidement, et l’Etat se voit obligé de réinvestir à nouveau quand les entreprises de génie civil ne sont pas responsables de ces dégâts.
Les travaux de l’axe Ketta-Djoum de la route Sembé-Souanké-Ntam (à la frontière du Cameroun) ont été lancés en décembre 2011. Six mois après son inauguration tambour battant par le Président de la République Denis Sassou-Nguesso, en février 2020, ce tronçon s’est dégradé, fin septembre, sur plus de 150 mètres. Les fissures et les craquelures sont si importantes que le bitume doit être décapé et refait à neuf. Confié à la société chinoise Sinohydro Tianjing Engineering Corporation, le projet a coûté 80 milliards de francs CFA (80% sous forme de prêt de la Banque africaine de développement et 20% par le Congo). Bonne nouvelle : les travaux de réhabilitation auraient déjà commencé, affirme une source.
Le spectacle était plus insoutenable lorsqu’une partie de la corniche de Brazzaville qui surplombe le fleuve Congo s’était effondrée sur environ 500 mètres, le jeudi 8 janvier 2020 à Brazzaville, après de fortes pluies. Cela avait déjà suscité une polémique sur la qualité des travaux quatre ans après leur inauguration en février 2016. Résultat: l’entreprise chinoise China Road and Bridge Corporation (CRBC), adjudicataire du marché, est en train de le reconstruire. Les travaux sont en train de prendre des mois. Aux frais du contribuable congolais ?
D’autres routes ne sont pas ou n’ont pas été épargnées : la route nationale n°2 (qui subit à intervalles réguliers des dégradations et des travaux de réhabilitation), le tronçon Pointe-Noire-Dolisie de la route nationale n°1 (dans le Mayombe), la plupart des voieries urbaines, notamment à Brazzaville et Pointe-Noire.
Ces exemples poussent à poser le problème de fiabilité de certains ouvrages réalisés à coût du fameux ‘’1 milliard de francs CFA le kilomètre’’ (laisse-t-on souvent entendre) dans le pays. Nombreux, devant la rapidité avec laquelle les dégâts apparaissent, croient que ces ouvrages n’ont pas été construits dans les règles reconnues; qu’il s’agit de malfaçons.
Les techniciens mettent en cause, pêle-mêle la conception, la réalisation, l’entretien, l’incurie de certains responsables et aussi l’incivisme des usagers, ‘’notamment les transporteurs qui ne respectent pas les normes de surcharge’’. De plus, ‘’les réalisations laissent même planer le doute sur leur coût réel ou sur l’impartialité dans l’octroi des marchés aux entreprises adjudicataires qui en dépit de leurs contreperformances antérieures, concourent encore et gagnent d’autres marchés plus imposants que les précédents, hélas bâclés sinon raté’’, épingle un confrère.
Un doigt accusateur est pointé sur les entreprises des travaux publics et sur ceux qui commanditent les travaux, surtout les autorités des Grands travaux et, dans certains cas, celles des municipalités. Sans oublier les sociétés chargées du contrôle technique des travaux. Par ailleurs, dans les plus grandes villes du pays, il n’existe aucun service de protection et d’entretien des voieries. On comprend que la situation a peu de chances de s’améliorer. Alors que le préjudice économique et financier que constitue le mauvais état des routes est patent.

Jean ZENGABIO