Le 14 mars 2020, le Congo enregistrait son premier cas de COVID-19 importé d’Europe. Ce fut le début d’une crise sanitaire sans précédent qui mettra à nu les faiblesses de notre système sanitaire longtemps critiqué.

Face à la nature du virus, le personnel soignant est déboussolé. Nombreux étaient aussi ceux qui avaient déserté leurs différents lieux de service. Le Gouvernement a eu du mal à gérer la crise. Les critiques fusent de partout. Le pays manque de tout: les respirateurs, les masques, les gants, les gels hydro-alcooliques, etc.
On notait aussi une insuffisance des lits et la difficulté pour le Gouvernement de mettre en place des centres de prise en charge des malades. La situation est rocambolesque. La solidarité nationale est sollicitée. Deux fonds sont créés et les donateurs se multiplient.
Mal équipé, le personnel soignant refuse de prendre les risques. Dans son message à la nation du 30 avril, le chef de l’Etat a invité tous ceux des médecins qui se seraient éloignés de leur serment d’hyppocrate, de retrouver le chemin du devoir, «pour soulager leur conscience de la lourde incrimination de non-assistance à personne en danger».
Une prime spéciale supposée exprimer la reconnaissance de la nation vis-à-vis des professionnels en première ligne contre la COVID-19 est promise par le Gouvernement. Elle ne sera jamais payée.
Un premier don composé d’équipements et de matériels de protection est reçu de la part du milliardaire chinois Jack Ma. Le protocole sanitaire fait débat: la chloroquine est au centre des priorités des Congolais qui se lancent dans l’automédication. Le produit est en rupture dans les pharmacies. «Nous n’allons pas quand même les mettre dans la rue. Je ne sais pas dans quelle institution on traite des gens, en mettant les protocoles à la disposition du public. C’est une manière de favoriser l’automédication», indiquait Alexis Elira Dokékias, président de la sous-commission prise en charge, au cours de la réunion de Comité technique de la riposte contre la COVID-19, tout en se réjouissant de la pénurie de la chloroquine dans les pharmacies
La mise en place d’un Comité scientifique et d’une coordination nationale de riposte contre la COVID-19 est annoncée par le chef de l’Etat le 28 mars, lors de son premier message à la nation. Les cas de contamination augmentent. Les malades désertent les hôpitaux publics qui se vident.
Dans cette gestion de la pandémie, il est à regretter les cas de décès qui sont attribués parfois à tort à la COVID-19. Il se dégage une impression que les Congolais ne peuvent plus tomber malades d’autres pathologies. Dès qu’un patient se présente à l’hôpital, soit il n’est pas reçu, soit il est immédiatement transféré au centre de prise en charge des contaminés du COVID-19 sans un examen préalable
Par ailleurs, tout malade atteint de la grippe, du rhume ou de la fièvre avec une température au-dessus de 37 était suspect. La prise en charge des malades devenait un casse-tête chinois. Abandonnés, nombreux sont aussi morts par négligence. Néanmoins, il est aussi à déplorer le fait que la prise en charge des cas de COVID-19 ne soit pas totalement gratuite comme annoncé par le Gouvernement, notamment en ce qui concerne les comorbidités qui ont enregistré plus de décès.
Les cliniques privées qui, malheureusement n’étaient pas autorisées à prendre en charge les malades de COVID-19 jusqu’à la signature le 10 juillet dernier, entre l’alliance du secteur privé de la santé et le ministère de la santé d’un protocole sanitaire pour la prévention et la prise en charge des malades de la COVID-19.
A noter qu’au début de la pandémie, la plupart des décès lié à la COVID-19 étaient attribués au secteur privé qui, pour le ministère de la Santé, envoyait au CHU-B les malades dans un stade avancé.
Des unités de pré triage sont créés dans quelques hôpitaux pour procéder au screening des cas. Le circuit est lourd. Les malades sont agacés et sont même reçus debout. Parfois saturé, le numéro d’urgence 34 34 du Centre des opérations d’urgence de santé publique (COUSP) est difficilement accessible. Les résultats des tests prennent une semaine pour être connus. La traçabilité des personnes contacts n’est toujours pas maîtrisée. Certaines personnes refusent d’aller en quarantaine ou prétextent qu’ils sont… préférant être à leurs domiciles avec les risques de contamination possible. D’autres personnes ont été extirpées de Kintelé sous la demande des représentations diplomatiques qui avaient leurs propres centres de prise en charge. Dix malades sont évacués à l’étranger.
Certains centres de traitement dédiés à la prise en charge des malades sont allés jusqu’à abandonner les malades. Le cas du personnel de la Clinique municipale Albert Léyono le 15 juillet 2020.
Autres manquements signalés ça et là: patients mal nourris; insuffisance des tests; des résultats des tests jugés douteux par certains; énorme retard dans les résultats de ces tests; logistique opérationnelle en quantité insuffisante, etc.
Le débat sur les aspirateurs refait surface. Le Gouvernement en commande 30. Malheureusement, les techniciens sont insuffisants pour leur manipulation.
Le pays continue de recevoir les dons d’équipements et de matériels de protection, tout comme il en achete aussi. La gestion de la crise est difficile. Des pénuries de médicaments sont observées dans quelques centres de prise en charge. Les comorbidités en sont les victimes. Les masques sont vendus dans les pharmacies entre 6500 et 3500 F.Cfa. Le Gouvernement prend l’initiative de faire confectionner 1000 masques réutilisables qui devraient être distribués gratuitement. Sur les avenues, les masques sont vendus à 1000 F.Cfa, puis à 500 F.Cfa aujourd’hui. Beaucoup de couturiers s’étaient aussi lancés dans la fabrication. Les masques chirurgicaux sont, quant à eux, vendus aujourd’hui dans la rue à 200 F.Cfa. Les gels hydro-alcoolisés ont aussi connu une spéculation des prix.
Ils sont nombreux, les observateurs, à se demander comment le Gouvernement gère les deniers qui lui ont été confiés dans le cadre de cette crise. La gestion des dons était tout d’abord assurée par le ministère de la Santé, avant d’être confiée au ministère de la Défense nationale.
L’état d’urgence sanitaire était déclaré sur toute l’étendue du territoire national. Il est rentré en vigueur le 31 mars 2020. Depuis lors, il a été reconduit neuf fois. Un couvre-feu est instauré de 20h à 5h, puis repoussé à 22h avant d’être ramené à 20h à Brazzaville et Pointe-Noire. Ensuite, réaménagé dans ces deux principales villes de propagation du virus de 23 heures à 5 heures du matin. Quant aux dix autres départements, le couvre-feu est désormais levé.
Des restrictions sont prises au niveau des morgues et lors des célébrations de mariage. Au début de l’état d’urgence sanitaire, les autorisations de circulation sont exigées. Les check-points sont installés dans les villes et sur les routes nationales par la Force publique. Des abus sont constatés dans l’octroi de cette pièce et dans son application.
Les populations sont soumises à un véritable calvaire. Elles sont obligées de parcourir à pied des kilomètres pour aller s’approvisionner en denrées alimentaires, aller au travail ou à l’hôpital. Les marchés domaniaux sont autorisés à ne vendre que trois jours dans la semaine. Deux jours sont réservés pour leur désinfection. Un véritable échec. Les motos «Djakarta» et quelques véhicules personnels se sont lancés dans le transport en commun.
Rares étaient les personnes qui avaient pris conscience de la maladie et de son existence. D’autres, par contre, continuaient à douter tout en estimant que la maladie est une invention. Elles ont exigé de voir les malades venir témoigner.
D’où les afflux constatés dans les bars. En plein air, les gens s’exhibent sans maques en train de boire en groupe autour d’une table, sans respecter également la distanciation physique. Ils se touchent, s’embrassent et conversent sans bavettes, en se partageant même les cigarettes. En plus, aucun dispositif de lavement de mains n’est prévu dans certains bars qui acceptent les rassemblements de plus de 50 personnes pourtant interdits.
En dépit de l’interdiction, certains night clubs fonctionnent en cachette et les clients. De même, les enterrements ne se font plus dans la stricte intimité familiale. L’extérieur des morgues est redevenu comme avant, bourré de gens, de véhicules et bus pour former les cortèges funèbres.
Le pays est au ralenti. L’économie est mise à mal et beaucoup d’entreprises se voient dans l’obligation de mettre la clé sous le paillasson. Les licenciements se multiplient. La task-force instaurée pour juguler les effets de la crise n’est pas à la hauteur de ses ambitions. Les opérateurs économiques multiplient les cris de détresse sans suite, y compris les promoteurs des écoles privées qui ont vu leurs structures fermées depuis le mois de mars, tout comme celles du secteur public.
Les mesures barrières sont édictées par le Gouvernement pour se protéger contre le virus. Les populations ont du mal à les respecter. Les masques sont à peine portés correctement, la distanciation physique n’est toujours pas restée et la population peine à tousser aux creux de leurs coudes ou à utiliser les mouchoirs à jeter.
Les transports en commun sont soumis au strict respect de ces mesures barrières. La décision est boudée par les transporteurs qui évoquent l’amenuisement de leurs recettes. Une somme de 250 F.Cfa est exigée aux passagers. Les demi-terrains refont surface et les populations ne savent plus à quel saint se vouer. Les cris de cœur se multiplient en vain. Rien ne sera fait.
Dans les administrations publiques, les agents sont répartis par vagues qui travaillent en rotation. Les sports collectifs sont interdits et les compétions nationales sont arrêtées au grand dam des sportifs. Malgré cela, les Congolais se sont lancés dans la marche sur la corniche, les esplanades du stade Alphonse Massamba-Débat et du complexe Nicole Oba, etc. Chaque dimanche, on observait des foules impressionnantes qui ont fini par interpeller les autorités. La Force publique est mise à contribution pour nettoyer les lieux de ses occupants.
Malgré le couvre-feu, des actes de vol, de braquage et d’assassinat sont enregistrés. La population s’interroge et s’inquiète. Les boîtes de nuits sont toujours fermées, tandis que les bars et caves ont rouvert leurs activités sans le moindre respect des mesures barrières.
Le virus continue de circuler. A l’heure actuelle, le pays compte 5089 cas, contre 3995 guéris pour 89 décès. Le lundi 21 septembre, les cours ont repris à l’Université. Et la rentrée scolaire 2020-2021 est fixée au 12 octobre prochain. Le Gouvernement s’apprête à rendre public les nouvelles mesures. Le couvre-feu pourrait être levé à l’intérieur du pays et repoussé à 22 heures à Brazzaville et Pointe-Noire. Qu’en sera-t-il alors du transport en commun?

KAUD