Dans la foulée de la commémoration de ses soixante-huit ans, La Semaine Africaine revient sur des événements d’importances ayant marqué l’histoire du pays. Parmi ces événements, il y a l’élévation au cardinalat à Rome de Mgr Emile Biayenda, et son retour mémorable à Brazzaville, le 9 mai 1973.

Récit des faits, tel que décrit dans l’ouvrage ‘’Emile Biayenda, grandeur d’un humble’’. En apprenant cette nouvelle inattendue et inédite, le 2 février 1973, la communauté chrétienne catholique et tous les Congolais furent dans la liesse. Et un accueil chaleureux et mémorable fut réservé au Cardinal à son retour à Brazzaville. Il apprit la nouvelle d’abord au téléphone, le vendredi matin par Mgr Tagliaferri, délégué apostolique, depuis Bangui. Juste après son retour de Vindza, après l’enterrement de son père, Albert Semo dia Mboma. Puis, il reçut du Pape Paul VI, la lettre officielle qui lui annonçait son admission dans le Sacré Collège.
A la suite de cette nomination, pour répondre aux différentes lettres, le cardinal Emile Biayenda adressa un message aux chrétiens et à tout le peuple congolais. Le Pape Paul VI lui imposa la barrette cardinalice, le 5 mai 1973, à Rome. Voici ce qu’écrivit notamment le Journal des ‘’Informations Catholiques Internationales’’. «Le nouveau Cardinal est généralement apprécié pour sa bonté, sa patience et son sens du dialogue. L’une de ses préoccupations est d’adapter les coutumes traditionnelles au monde moderne… ».
Après avoir été créé Cardinal, Emile Biayenda, fut reçu en audience par le Pape Paul VI, le 13 mars 1973. Au sortir de cette rencontre, le plus jeune Cardinal du monde fut l’invité de l’émission ‘’Vers l’Europe et l’Afrique’’ de Radio Vatican. Il revint à Brazzaville, le 9 mai 1973. La chrétienté de Brazzaville lui réserva un accueil chaleureux. Onze jours après son arrivée, une grand-messe d’action de grâces fut célébrée au Stade Félix Eboué.

Messe d’action de grâces réunissant environ 30.000 fidèles
Dimanche 20 mai 1973, le matin, à l’aube, bien des chrétiens brazzavillois, voyant tomber, d’un ciel assombri une pluie imperturbable, durent se dire: c’est raté! Eh bien non! Malgré la pluie qui finalement s’arrêtera, mais qui avait transformé le Stade Eboué en marécage, ce n’était pas raté, mais magnifique! Le Seigneur n’a pas voulu que les nombreux laïcs dévoués qui avaient organisé cette manifestation, soient déçus. Dès 7h 00, les fidèles, protégés par des parapluies ou des imperméables, arborant des tee-shirts à l’effigie du Cardinal prirent d’assaut le Stade Eboué marécageux. Lorsque la cérémonie commença avec une heure de retard sur le programme, ils étaient entre 25.000 et 30.000. Auparavant, les Fanfares Kimbanguiste et Salutiste les avaient aidés à patienter en jouant des airs éclatants comme un défi au mauvais temps.
Vers 9 heures, le long cortège fut son entrée dans le stade, où un peloton de l’Armée populaire nationale (actuelles Forces armées congolaises) rendait les honneurs. 500 enfants de chœur, une longue file de fraternités féminines, un Clergé d’environ cinquante prêtres, des prélats suivaient. Entouraient le cardinal Emile Biayenda, le cardinal Joseph Malula, archevêque de Kinshasa, NN.SS., Joachim Ndayen, archevêque de Bangui, Tagliaferri, délégué apostolique, Jean-Baptiste Fauret, évêque de Pointe-Noire, Georges-Firmin Singha, évêque de Fort-Rousset (Owando), Moké, évêque auxiliaire de Kinshasa, Benoît Gassongo, ancien évêque auxiliaire de Fort-Rousset, et Mgr Auguste-Roch Nkounkou, prélat de sa Sainteté. Les représentants des différentes confessions religieuses prirent place, avec le clergé, sur le podium dressé au milieu de la pelouse. M. Charles-Maurice Sianard, ministre de l’Intérieur, représentait le Chef de l’Etat. Dans le public, on notait aussi, la présence des membres du corps diplomatique.
Les chorales catholiques de Brazzaville et les scholas populaires sous la direction de l’abbé Barthélémy Batantu, assurèrent les chants avec la collaboration de la chorale de l’Eglise évangélique du Congo (EEC). Au début de la messe, M. le ministre de l’Intérieur prononça une allocution, et au nom du Président de la République, décerna, au Cardinal Biayenda, la médaille de Commandeur…
La messe se déroula avec un schéma original pour la circonstance. La liturgie de la Parole fut ponctuée par deux homélies. Mgr Tagliaerri, après avoir évoqué les étapes de la vie du Cardinal Emile Biayenda, plut à souligner les qualités du Prélat: son esprit de foi et son courage, sa simplicité, son sens de l’accueil et son désir de l’échange. Citant ensuite le Pape Paul VI, il rappela la signification de la nouvelle dignité de l’archevêque de Brazzaville, et les encouragements que le Pape lui avait adressés lorsqu’il le reçut en audience…
Son Eminence le Cardinal Biayenda prononça à son tour une allocution. Dans laquelle, il rendit grâce à Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit qui avait bien voulu regarder, «notre jeune Eglise et notre pays». Au Pape Paul VI, qui en élevant avec bienveillance «notre siège métropolitain au rang cardinalice, reconnaît et confirme la vitalité de notre chrétienté et décuple la responsabilité qui est nôtre, dans l’Eglise d’Afrique et du monde».
Nous revivons aujourd’hui, ici à Brazzaville, disait-il, «et dans tout le Congo, le grand événement de la Pentecôte où les merveilles de Dieu étaient proclamées en toutes langues, sans complexe. Puisse, mes frères, l’événement qui nous rassemble et que nous célébrons, tous, avec tant de liesse, nous marquer pour longtemps et nous aider à mettre en pratique les leçons de ce jour». Que le Seigneur, lui-même, poursuivait-il, «dirige notre action, qu’il assiste, dans sa sagesse, tous les dirigeants et responsables des sociétés humaines de notre temps, pour que partout la paix soit l’objectif unificateur de tous les hommes».
A la fin de la cérémonie plusieurs allocutions furent prononcées dont celle du Cardinal Malula, du Pasteur Buana-Kibongui de l’Eglise Evangélique du Congo, et d’Alphonse Sita, au nom des laïcs chrétiens.

Alain-Patrick MASSAMBA