Faisant partie des 10 experts (dénommées R10) chargés de redynamiser le système de recrutement et de sélection de l’Union Africaine depuis juillet 2019, le Dr Kitsoro Firmin C. Kinzounza, économiste et consultant international en management, était absent de Brazzaville pour une mission à Addis-Abeba du 17 mars au 2 avril, lorsque les frontières ont été fermées. Il est désormais de retour. Pour La Semaine Africaine, il parle de la COVID-19 et de la crise économique que traverse le Congo. Il propose quelques solutions. Nous publions, ici, la suite et la fin de l’entretien.

* Quelle sera la suite, si nous atteignons le niveau économique où notre appareil de production serait capable de réduire les importations et d’accroître les exportations hors pétrole?
** Une précision. Il s’agit d’accroître dans les exportations hors pétrole, la part des produits manufacturés. Cela étant, si nous atteignons ce niveau d’émergence économique, nous aurons rompu avec le Pacte colonial encore en vigueur, plus de 60 ans après la proclamation des indépendances. Ensuite, nous pourrons envisager la création d’une monnaie nationale. Enfin, nous aurons jeté les bases d’une véritable indépendance économique et financière. En effet, l’Etat congolais aura alors à sa disposition les deux instruments stratégiques de sa politique économique, en l’occurrence, le budget et la monnaie.

*Pourquoi une monnaie nationale et non une monnaie commune?
** Excellente question. Parmi les critères de convergence pour aboutir à une monnaie commune, il conviendrait d’ajouter la capacité de chaque pays membre de la communauté monétaire à réduire ses importations et à accroître la part des produits manufacturés dans ses exportations. Sans cette conditionnalité, la monnaie commune risque d’être un fiasco.

*Un message particulier…
** Je lance un appel patriotique au Parti congolais du Travail (PCT), aux parlementaires et au Premier ministre afin qu’ils prennent leurs responsabilités devant l’Histoire. Il est trop facile de tout mettre sur le dos du président de la République.
Du PCT, en tant que parti au pouvoir, l’on attend des orientations claires sur le traitement des questions relatives à la relance de l’économie et à la lutte contre la corruption au lieu de nous servir «la lutte des places» et des incantations contre les antivaleurs.
Le PCT de demain décrit avec courage en 2016 par le ministre Hugues Ngouelondele dans son ouvrage ‘’Le PCT. Faire la politique autrement’’ aurait dû constituer une base objective pour réorienter l’action de ce parti. Hélas il n’a suscité que l’ire de l’aile conservatrice. L’on ne le redira jamais assez: l’absence de critique et d’autocritique a conduit le PCT, parti à l’origine à base nationale et idéologique, à être perçu comme un vulgaire parti à base ethnique dont l’idéologie officielle sert à masquer les pratiques antipatriotiques de ses membres plus préoccupés à servir leurs intérêts partisans et personnels que ceux du peuple congolais dans son ensemble.
Des parlementaires (députés et sénateurs), l’on attend qu’ils représentent effectivement le peuple en défendant, becs et ongles, les intérêts économiques et sociaux de ces derniers. C’est pourquoi, ils auraient dû être en première ligne dans le suivi de la mise en œuvre du Programme FMI-Gouvernement et la lutte contre la COVID-19. Hélas! Ils nous servent, chaque jour, des joutes oratoires sans lendemain, ferment les yeux sur les crimes économiques les plus visibles et n’utilisent point efficacement les commissions parlementaires.
Du Premier ministre, l’on attend qu’il se crée une marge de manœuvre en prenant le leadership de la mise en œuvre des 48 mesures de redressement économique et social arrêtées conjointement par le FMI et le Gouvernement de la République. En effet, en obtenant des résultats économiques et sociaux grâce à l’application sans état d’âme du Programme du FMI, le Premier ministre allait créer un nouveau rapport de forces dans ses relations avec le président de la République et le PCT: c’est exactement ce que fit en son temps, Augustin Matata Ponyo Mapon, alors Premier ministre du président Joseph Kabila, de 2012 à 2016. A titre de rappel, sous ce Premier ministre, le taux de change, entre le dollar américain et le franc congolais au cours des quatre années de son mandat, fut maintenu entre 700 et 920 francs congolais pour un dollar américain. Juste après son départ, ce taux avait atteint 1.800 francs congolais contre un dollar américain.
*Je vous remercie.

Propos recueillis par
Viclaire MALONGA