C’est une véritable psychose qui s’est emparée de la capitale gabonaise ces jours-ci. Au milieu de la semaine dernière, des rumeurs invérifiables ont gagné les quartiers faisant état d’une bande de personnes circulant en voiture robuste noire, sans immatriculation, et enlevant parfois en plein jour, des enfants à la sortie des écoles. Comme une traînée de poudre, la rumeur a enflé et s’est concentrée sur certains quartiers populaires, Nzeng Ayong en particulier.

La psychose s’est muée en une véritable hystérie lorsque des rumeurs ont fait état d’une tentative avortée d’enlèvement d’enfants aux abords d’une école dans ce quartier. Il n’en fallait pas plus pour que les jeunes entrent en effervescence et dressent des barricades, brûlent des pneus. Avec malheureusement les inévitables victimes collatérales d’une telle situation : un chauffeur de taxi chargé du transport d’enfants de famille a failli être lynché, n’eût été l’intervention de la gendarmerie.
Un haut fonctionnaire a eu moins de chance. Dans la confusion qui a régné vendredi dernier, alors que les parents se ruaient vers les écoles pour exfiltrer leurs enfants, l’homme a eu l’idée saugrenue d’aller chercher ses deux enfants dans une voiture noire, sans immatriculation à l’avant. Il a été tué sur place.
Le ministre de l’Intérieur, Lambert Noël Matha, est monté au créneau, démentant la vague supposée d’enlèvements. Il a menacé de 5 ans de prison et d’une forte amende toute personne qui serait prise en flagrant délit de propagation de fausses nouvelles, mais la capitale entamait cette nouvelle semaine dans un état de scepticisme avéré. Les parents d’élèves étaient partagés entre suivre les assurances du Gouvernement encourageant à une reprise sereine des classes lundi, et la consigne des principaux syndicats de parents d’élèves de ne pas exposer les enfants au risque d’un enlèvement toujours possible.
Les syndicats assurent que l’affaire n’est pas politique. Pourtant, la dimension politique n’est pas loin. Car Libreville est cycliquement prise dans cette hantise des enlèvements, souvent à l’approche d’échéances électorales importantes. Il s’agirait de crimes rituels, fleurissant alors que les différents compétiteurs politiques sont à la recherche de tous les moyens pour gagner le plus de suffrages possibles.
Dans deux ans, le Gabon organise des élections législatives. Ce qui a mis le feu aux poudres cette fois, c’est la disparition le 12 janvier dernier, près de la ville de Bitam (nord) d’un petit Rinaldi Ngoua Abaga, 3 ans. Depuis lors, le petit garçon demeure introuvable.
Alors que même l’Eglise s’émeut de cette situation et appelle le Gouvernement à agir avec plus de communication notamment, les diverses associations de lutte contre les crimes rituels sont sur les dents pour inviter à la vigilance et à la préservation de la paix.

ASM