Nommé recteur du Grand séminaire de philosophie Mgr Georges Firmin Singha par le Saint-Siège, sur proposition des évêques du Congo, l’abbé Christophe Maboungou, prêtre de l’archidiocèse de Brazzaville, a pris ses fonctions le vendredi 23 octobre dernier, en présence de Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou, archevêque coadjuteur de Brazzaville, évêque chargé des séminaires au niveau de la conférence épiscopale du Congo. Il remplace à ce poste l’abbé Guy Noël Okamba arrivé en fin de mandat. Dans cette interview, l’abbé Christophe Maboungou parle de son expérience de formateur.

*Quels sont vos sentiments après cette nomination?
**Ce sont des sentiments de joie et aussi d’émotion. Sentiments de joie, parce que c’est une confiance que les évêques traduisaient vis-à-vis de ma modeste personne. Sentiments de joie, parce que j’étais professeur et directeur spirituel dans ce séminaire pendant trois ans. Je reviens à la maison que je connais très bien et cette fois-ci en tant que recteur pour apporter ma modeste contribution. Je suis rentré de France où j’ai obtenu mon doctorat en philosophie et donc c’est une joie de retrouver ma maison. L’émotion, je me rappelle l’intervention de Mgr Bienvenu Manamika Bafouakouahou lors de la 49e Assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Congo consacrée à la formation des futurs prêtres lorsqu’il avait développé le sous-thème: «l’Eglise et la formation des futurs prêtres: enjeux et défis». Justement, gérer les futurs prêtres est un défi majeur et Mgr Bienvenu Manamika a eu raison d’aborder ce thème. A la création du séminaire de philosophie, j’ai fait partie de la première promotion pour avoir inauguré l’année de philosophie en 1998. Donc, c’est le Seigneur qui a appelé et c’est le Seigneur qui a choisi. Merci aux évêques pour cette confiance placée en ma modeste personne et que l’Esprit-Saint puisse nous aider à accomplir cette lourde charge.

*La formation des prêtres a été au cœur de la 49e Assemblée plénière de la Conférence épiscopale du Congo. Comment entendez-vous mettre en pratique les recommandations issues de ces assises?
**C’est là que nous allons puiser tout le nécessaire possible en tant que formateur des futurs prêtres et aussi, nous référer au document post-synodal de Rome «Ecclésia in Africa». Le message des évêques est un rappel des assises de la 34e Assemblée plénière tenue en 2006 qui parlait déjà de la formation des prêtres dans nos séminaires. Donc, c’est un souci réel pour les évêques de revenir encore sur ce qui a été abordé. Etant de la maison, je viens de recevoir la première vague des séminaristes et comme vous pouvez le constater, les anciens sont en pleine session. Cette année, les séminaristes internes sont au nombre de 46 et ceux qui viennent de l’extérieur sont plus d’une cinquantaine. Avec un tel nombre, les structures du séminaire ne répondent plus, alors qu’il faut sécuriser les séminaristes du point de vue sanitaire, dortoir et nutrition, tout en respectant les gestes barrières. L’autre difficulté, c’est la vétusté des structures d’accueil, notamment les logements. Ils sont obligés de partager une même chambre à deux ou trois séminaristes. Mais avec la grâce de Dieu, nous espérons que le Seigneur nous viendra en aide.

*Combien de séminaristes avez-vous cette année?
**Logiquement, nous aurons près d’une centaine, internes comme externes avec les moyens du bord pour leur permettre de vivre dans un cadre agréable. Le séminaire accueille tout le monde sans distinction de race ni d’ethnie, mais de toute manière, la sélection est faite par les évêques qui envoient les dossiers des candidats au séminaire. Il y a des nationaux, des bi-nationaux et des étrangers, puisque l’appel du Seigneur frappe tout le monde. Quand l’évêque a discerné la vocation d’un candidat, à notre tour nous l’accueillons en tant que candidat de l’évêque quel que soit son statut social et nous le formatons dans le moule du séminaire. Dans ce moule, il n’y a pas de distinction de race et d’ethnie entre le Sud, le Nord, l’Ouest et l’Est. Au séminaire, la notion de frontière et de régime tombe.

*Seulement les évêques envoient les candidats au séminaire et non pas les curés des paroisses, pourquoi?
**Les curés des paroisses, à travers les commissions des vocations, ont pour mission de sélectionner les candidats et d’envoyer leurs dossiers à l’évêque, ordinaire du lieu par le biais de la commission diocésaine des vocations dont je fais partie. En fin de compte, le candidat selon les critères, doit être jugé digne pour faire partie du quota, surtout pour ceux du Petit séminaire qui doivent avoir le BEPC et ceux du niveau Terminale, le BAC pour passer le test du grand séminaire. La lettre d’inscription pour le grand séminaire est signée par l’évêque et c’est lui qui envoie. A notre niveau, nous prenons soin de son candidat. Si le candidat ne répond pas aux critères de formation dans notre séminaire, nous adressons une lettre à l’évêque qui décidera de la suite à donner à son candidat.

*Lors de la 49e Assemblée plénière, on a parlé des sous-marins… !
**C’est Mgr Victor Abagna Mossa qui a évoqué ce concept de sous-marins. Evidemment, dans nos séminaires, nous avons le règlement intérieur, le directeur et l’équipe des formateurs ont intérêt à discerner selon leur capacité intellectuelle et d’adaptation aux langues, voire la dimension morale, l’engagement du candidat. Dans son exposé, l’abbé Alexis Tobangui, curé de la paroisse Saint Jean Baptiste de Talangaï, docteur en sociologie nous rappelait l’ouvrage du cardinal Joseph Malula, archevêque de Kinshasa, en République Démocratique du Congo, d’illustre mémoire, publié en juin 1987, par rapport à la prétention, à l’avoir, à l’envie d’argent. Aujourd’hui, il n’y a pas de jauge de vocation, c’est le candidat qui se présente seul et son dossier est accepté par l’évêque. Ce dernier va se révéler une fois ordonné prêtre, mais dans tout cela, ce sont les aléas de la formation. Dans tous les cas, nous essayons de suivre le candidat, le recteur que je suis et toute l’équipe des formateurs. Cela relève de la dimension psychologique. Avec nous, il n’y aura pas des sous marins.

*Quel sera votre agenda de travail?
**L’Eglise est une et indivisible, qui va des apôtres à nous prêtres. Je me rappelle encore Mgr Bienvenu Manamika qui eut une belle image de considérer l’Eglise comme un train. C’est notre tour de gérer ce train de l’éducation des futurs prêtres dont notre Eglise a besoin, par l’intercession de la Vierge Marie et la puissance de l’Esprit-Saint pour que notre mission aille de l’avant; celle de conduire à bon port les enfants qui sont à notre charge.

*Dites-nous, combien de recteurs se sont succédé au séminaire de philosophie?
**Je suis arrivé en 1998 et je fais partie de la première promotion à avoir inauguré l’institut de philosophie. A l’époque, il y avait deux séminaires, mais un seul recteur en la personne de l’abbé Sébastien Zoubakela. Et lorsque je suis allé à l’université pour les études, c’est là où on a nommé un deuxième recteur. Je les cite pèle mêle: les abbés Olivier Massamba Loubelo (premier recteur de philosophie, nouvelle formule), Jean-Claude Makaya Loemba, Eustache Ndongui, Antonio Mabiala, Guy Noël Okamba. Donc, moi je suis le 6è recteur.

*Votre dernier mot?
**Je demande à la Vierge Marie d’intercéder pour nous. Je voudrais être le serviteur inutile qui participe à la construction de son Eglise. Dans cette lourde charge, je ne serai pas seul, ensemble avec l’équipe des formateurs que je salue en passant pour leur abnégation et par la grâce de l’Esprit Saint, nous allons relever les défis qui se posent à nous. J’encourage les familles et les couples qui accompagnent les candidats, surtout dans cette période de crise sanitaire dûe à la COVID-19 et à la crise financière que traverse notre pays. Nous laissons la latitude aux commissions paroissiales de gérer les candidats. Être sélectionné candidat ne veut pas dire être prêtre. Le recteur ne renvoie pas un séminariste, mais fait le constat sur son évolution et propose à l’évêque. Le recteur ne bloque pas le processus d’une vocation, mais participe à l’élévation, à la rectification de cette même vocation. Je ne suis pas venu changer les choses avec une baguette magique, mais avec toute l’équipe des formateurs, nous allons travailler ensemble pour relever les défis de notre maison commune.

Propos recueillis par
Pascal BIOZI KIMINOU