Alors que l’actualité du pays est dominée ces jours-ci par la campagne électorale comptant pour la prochaine présidentielle, la Guinée traverse une période de fortes tensions, notamment sur le plan social. Le pays est en effet secoué par un climat de crise de plus en plus croissant et le pouvoir donne l’impression de l’ignorer. Massacres de 2009, tension politique, torchon brûlant entre l’Eglise et le gouvernement, c’est le visage actuel de la Guinée qui peine à rétablir la confiance dans la vie quotidienne de ses filles et fils.

Les filles et fils de la Guinée attendent la tenue d’un procès concernant les massacres du 28 septembre 2009 dont la promesse avait été faite pour cette année 2020. Onze ans après, les victimes n’ont toujours pas obtenu justice malgré les promesses réitérées du gouvernement. Les Etats-Unis d’Amérique, la France et l’Union européenne mettent la pression et «exhortent le gouvernement guinéen à tenir un procès dans les plus brefs délais». L’instruction a été clôturée depuis fin 2017 et 13 accusés doivent être jugés par le tribunal de première instance de Dixinn statuant en matière criminelle. Mais faute d’avancée significative, les partenaires de la Guinée réfléchissent à d’autres voies de recours.
En janvier, le ministre de la Justice avait promis l’ouverture d’un procès pour juin 2020. Trois mois plus tard, il n’y a toujours rien. L’Union européenne a débloqué plus de quatre millions d’euros, principalement en soutien aux victimes d’après Josep Coll, chef de la délégation de l’institution en Guinée. Le diplomate annonce que son institution continuera d’intervenir financièrement et de plaider pour un procès.
Le budget et le lieu du procès ont été fixés. Sékou Keïta, chargé de communication au ministère de la Justice, assure que tous les obstacles matériels ont été levés et qu’il revient maintenant au procureur de Dixinn, Sidi Souleymane Ndiaye de l’organiser. Ce dernier dit régler actuellement les dernières formalités indiquées par le code de procédure pénale.
La Fédération internationale des droits de l’homme, partie civile dans le procès, affirme que «sans actes concrets pour qu’un procès s’ouvre d’ici la fin de l’année 2020, le Bureau de la procureure de la Cour pénale internationale (…) doit prendre les mesures nécessaires et ouvrir une enquête, en application du principe de complémentarité».
Le jour de ce massacre, des éléments des forces armées guinéennes sous la junte du capitaine Moussa Dadis Camara dirigeant de l’époque, avaient pris d’assaut un stade de la capitale Conakry, où s’étaient réunis plusieurs milliers d’opposants. Près de 160 personnes ont alors été tuées dans l’attaque et 1 400 autres blessées et plus d’une centaine de femmes ont subi des violences corporelles.
La campagne électorale pour le scrutin présidentiel du 18 octobre prochain vient de commencer et les partis politiques de l’opposition tiennent coûte que coûte à en découdre avec le parti au pouvoir. Onze candidats ont créé le Collectif des candidats pour l’alternance (CCA). Les onze formations politiques se sont entendues pour barrer la route à Alpha Condé et obtenir l’alternance en Guinée à l’issue de cette élection présidentielle.
Du côté de l’Eglise, le ton se durcit entre Mgr Vincent Coulibaly, archevêque de Conakry et le gouvernement. Le prélat dénonce les tentatives d’exproprier des terres de l’Eglise par les autorités guinéennes. L’évêque a, dans une déclaration publiée le dimanche 20 septembre, fait référence au récent cas de Kendoumayah: «Ici, certains membres des frères de Saint-Jean, opérationnels depuis 1993, ont récemment été menacés par les habitants de la région qui revendiquent un terrain de 5 hectares entourant le siège de la communauté religieuse».
Nécessaire à la protection du monastère et de la prière, le territoire est considéré par le gouvernement comme un lieu propice à la construction d’un marché et donc sujet à l’expropriation. Des émeutes et tensions qui ont suivi, ont poussé la population locale à bloquer les entrées de Kendoumayah dimanche 20 septembre 2020, menaçant d’agressions physiques les religieux et d’actes de vandalisme. Mgr Coulibaly se dit être profondément préoccupé par la situation parce que ces événements ne sont pas nouveaux.

Aristide Ghislain NGOUMA