Le Professeur Dominique Ngoïe Ngalla a été brutalement arraché à notre amitié à 77 ans, le 17 octobre 2020 en France, dans un hôpital de Melun. Enseveli loin de sa terre, loin de Mandou, le village que l’un de ses poèmes a rendu célèbre. Nous sommes nombreux à désirer le retour de son corps au pays. Nous avons un véritable deuil à célébrer. Dominique laisse à ceux qui ont eu la chance de le connaître un grand vide; la qualité de sa présence, la clarté de son intelligence, l’étendue de sa culture, l’honnêteté de son regard sur les évènements et sur les gens, la rigueur de son travail de chercheur, d’historien et de professeur, le rayonnement de son sourire, l’élégance de sa courtoisie, l’humble simplicité de son amitié.

Il a été, pour plusieurs générations d’étudiants et il faut qu’il demeure pour les générations à venir, une référence.
Travailleur exigent et infatigable, il aura traversé en intellectuel librement critique nos temps troublés; celui des approximations révolutionnaires et de la récitation marxiste à l’Université et celui de la folle violence du «retour des ethnies»…armées, ce «chemin de la nuit».
La hauteur de son regard sur ces évènements et sa manière dégagée d’être simplement fidèle à lui-même font de lui un témoin incomparable de cette étape, malgré tout, fondatrice de l’histoire souvent chaotique du Congo indépendant.
Ses ouvrages doivent être réédités et disponibles dans nos bibliothèques. Ses nombreux textes dispersés dans divers périodiques, entre autres, La Semaine Africaine, il faudra les rassembler et les publier dans des éditions critiques.
Il y a des thèses à élaborer et à soutenir sur son approche éthique et culturelle de nos «essais» de démocratie.
Chrétien et même ancien séminariste, Dominique s’est aussi librement exprimé sur l’Eglise du Congo en termes souvent critiques, mais toujours stimulants. Son regard d’historien et de laïc (de baptisé) était vivement concerné par l’aventure missionnaire, par l’émergence contemporaine d’une Eglise et d’un clergé local et par l’inculturation de la liturgie chrétienne.
Dans un colloque universitaire organisé pour le centenaire de l’arrivée au Congo des sœurs de Saint Joseph de Cluny, il sut montrer qu’il y avait là de quoi écrire des pages décisives de l’histoire de notre pays. Il datait de son passage par la rude école des missionnaires son accession à une liberté de l’esprit qu’il considérait comme un privilège et à laquelle sa fidélité est demeurée toute sa vie la marque et le rayonnement de de sa personnalité.
En vérité, ce que Dominique nous laisse, c’est un chagrin, certes, mais ce n’est pas un vide. Il nous laisse un trésor, un champ à cultiver et à moissonner. Il y aura un travail à faire pour rassembler ses écrits, sa réflexion d’homme libre. Il faut que les générations à venir comprennent en le lisant, comment leurs aînés se sont essayés à la liberté (à l’indépendance) et à ce partage de la liberté en quoi consiste cette fameuse et introuvable démocratie. En quoi ils y ont réussi et en quoi ils y ont échoué. C’est à ce prix que le professeur Dominique Ngoïe Ngalla pourra, par la vertu de l’écrit, demeurer une référence pour une future élite à l’école de sa liberté.

P. Christian