Dans la tête des sportifs ayant eu le bonheur de voir jouer le génial dribbleur que fut Jean-Jacques Ndomba ‘’Géomètre’’ qui nous a quittés le 15 octobre 2024 à Troyes (Il y passait un séjour aux côtés du fils de Mbemba ‘’Tostao’’, son ami inséparable de ces dernières années), ne voltigent que les souvenirs de ses années fastes à l’Etoile du Congo (1971-1982), à l’Olympique de Marseille (1982-1984), au CO Le Puy (1984-1986), à l’Olympique Lyonnais (1986-1988), à Niort (1988-1991), à Poitiers (1991-1992) et sous le maillot national (1973-1992). Point de souvenir des jeunes années du virtuose sur les terrains vagues de Brazzaville et de Dolisie.
On aura beau lire et relire les articles de presse qui lui ont été consacrés depuis l’annonce de sa mort, on ne sera pas plus éclairé sur cette période de son enfance. Car, l’homme était tout aussi discret que secret (peut-être à cause de sa timidité), y compris pour moi alors qu’il faisait partie de ma vie de journaliste depuis son retour au pays au terme d’une longue carrière professionnelle en France.
Ndomba était un homme mystérieux, qui ne se confiait guère au premier venu. Plus d’une fois, il m’a ‘’dribblé’’. Un jour d’octobre 2016, je le relance au téléphone. «Ya Jacques, je passe te voir ; on va réaliser une interview. On évoquera ta carrière professionnelle en France, mais pas seulement. L’aspect qui m’intéresse surtout, ce sont tes années de footballeur en herbe». Comme toujours, il accepte volontiers. Enfin, à ma grande surprise, il honore cette fois le rendez-vous. Ce fut un samedi matin. Où ? Au rond-point Mouhoumi, à Mfilou-Ngamaba, un quartier où on ne lui connaissait pas une attache particulière, lui, l’enfant de Ouenzé.
A propos de ses jeunes années, voilà ce qu’il m’avait déclaré : «Les dribbles, ça s’improvise sur le champ. A 8 ans, j’avais déjà des prédispositions de bon dribbleur. A cette époque, j’étais élève au CEG Pierre Tsiété. Ma famille était installée rue Yakoma, à Ouenzé, vers le PSP Manzanza. Amoureux fou du ballon, je jouais des heures et des heures à la pelote en compagnie de mes amis. Je voulais devenir un grand footballeur».
Très tôt, le père de Ndomba, modeste chauffeur dans l’administration, sera affecté à Dolisie. «C’est là-bas que j’ai rencontré Paul Moukila ‘’Sayal’’ qu’on appelait ‘’Pianto’’ (diminutif de Piantoni, un attaquant français célèbre) et commencé à jouer dans une équipe plus ou moins organisée, Petits Cheminots. Une équipe fondée par Moukila. J’y suis resté pendant au moins cinq années. Je dribblais, je donnais des balles de but; j’en marquais aussi», m’expliquait-il.
A Dolisie, le jeune Ndomba passe avec succès son concours d’entrée en sixième. Cette année-là, son père est réaffecté dans la capitale, puis quelques mois plus tard à l’Ambassade du Congo à Paris, en France. Etrangement, Ndomba restera à Brazzaville. «Ma tante m’avait pris sous le toit de son foyer, rue Makoua, à la lisière de Poto-Poto et Ouenzé. J’ai intégré Santos de Poto-Poto. J’y ai évolué aux côtés, entre autres, de Raph Bokomba (+), Gambou-Ondono (+) et Kimbémbé ‘’Akim’’. Plus tard, avec les deux derniers, nous nous sommes retrouvés coéquipiers en équipe nationale ».
Mais Ndomba sera vite arraché par Fantasia, une autre équipe de foot-pelote, dont le QG était non loin du domicile de sa tante. «Très attaché à Raph Bokomba, c’est par son truchement que le président de Fantasia parvint à entrer en contact avec moi. Et je suis devenu sociétaire de cette équipe où j’ai passé mes plus belles années de foot-pelote, d’abord aux côtés de Jean Ntondo ‘’Lux’’ (+), Nestor Mokoto, Bokoto, Bokomba, ensuite Daniel Fidissa (+), Wamba ‘’La José’’ qui partait de Bacongo, Herbert Malonga ‘’Kapata’’ (+), etc. Avec cette formation, j’ai remporté cinq ou six titres de champion de Poto-Poto», me raconta-t-il avec gaieté.

Le maillot du roi Pelé, signe du destin ?

Vers la fin des années 1960. Promis à la plus jolie des carrières, Ndomba arrache le sobriquet de ‘’Géomètre’’. «Ceux qui vous baptisent ne viennent pas vous demander votre avis. Vous en prenez simplement votre parti. Je suis ainsi devenu ‘’Géomètre’’ en souvenir d’un phénomène jadis du football kinois auquel j’ai été, semble-t-il, identifié. C’est plus tard que j’ai fait sa connaissance à Kinshasa. Il s’appelle Kabamba ‘’Géomètre’’», me révéla-t-il.
En 1969, le FC Santos du Brésil retourne à Brazzaville et bat encore le Congo (2-3). A la fin du match, Filankembo ‘’Lipopo’’, en charge de la surveillance du roi Pelé, a échangé son maillot avec celui du meilleur joueur du monde. Ce maillot lui servira d’appât pour attirer au Patronage Sainte-Anne, son club, Ndomba qu’il a repéré au foot-pelote. «Vieux Lipopo m’avait offert le maillot n°10 de Pelé. Je le portais et dormais avec. Ce rêve, quel footballeur en herbes ne l’a pas eu dans sa tête. Peut-être était-ce un signe du destin ?». Mais, fin 1971, Ndomba signera à l’Etoile du Congo, au grand dam du Patronage Sainte-Anne et de Maurice Filankembo ‘’Lipopo’’.

Guy-Saturnin
MAHOUNGOU