Jessy B. (Jessica Francia Diatsona Biggerman à l’état-civil), Prix Découvertes RFI (Radio France internationale) 2023, est l’une des chanteuses rappeuses les plus populaires de la scène congolaise grâce à ses oeuvres qui interpellent les consciences. Elle se forge sa propre route dans les arcanes du rap fortement dominés par les hommes.

Dotée d’une voix puissante et impressionnante, et malgré son jeune âge, Jessy B. est en train de se frayer un chemin dans le monde musical congolais. L’auteur de ‘’Dégât na dégât’’, ‘’Biso’’ prend de l’assurance. Son concert du 13 juin passé à l’esplanade de l’Institut français du Congo, couplé à la remise de son Prix RFI, en est l’une des illustrations. Sa tournée africaine, prévue dans un proche avenir, lui permettra de prouver au monde son talent et son savoir-faire, mais également de faire passer son message par rapport à son vécu, à la société congolaise, mais également au monde qui va à la dérive.
Dans la plupart de ses oeuvres musicales, Jessy B. dépeint les facettes sombres de la société et invite à la prise de conscience par des conseils. A cette exploration s’ajoute la force de sa plume singulière qui frappe en plein cœur grâce à son flow agile et son rap grand ouvert sur le monde. Entre afro rap, hip- hop et autres sonorités, elle évoque des thèmes comme le développement de mentalité, l’épanouissement de la culture, l’éveil de conscience de la jeune femme congolaise, la dépravation des mœurs ainsi que l’autonomisation financière de la jeunesse. L’artiste met en lumière le vécu quotidien pour une prise de conscience générale au regard de la recrudescence du banditisme au Congo.
Sa musique se définit comme rap conscient et proclame aussi un message d’espoir, interpellant particulièrement la jeune fille à se battre afin de réaliser ses rêves. «La femme et la jeune fille en particulier se mettent des barrières» souligne-t-elle. ‘’Ce n’est pas à nos parents ou à notre entourage de décider à notre place, nous avons l’obligation de tracer notre route même si nous devons faire des erreurs. C’est pourquoi, il faut travailler sur le changement des mentalités, et encourager les femmes à vivre leurs rêves en se débarrassant de la peur. Cela nécessite beaucoup de travail et de responsabilité’’, estime-t-elle.
Nous les femmes musiciennes, pense-t-elle, «nous fournissons deux fois plus d’efforts pour décrocher un contrat et ce n’est pas normal. C’est aussi sur ce point précis que nous devons batailler sur ces inégalités qui freinent beaucoup de femmes à aller plus loin. Pour y arriver, il faut être mentalement forte afin de rejeter les propositions indécentes qui sont en fait des pièges pour vous maintenir entre leurs mains».
Pour se faire valoir, Jessy B. a travaillé d’arrache-pied, en se positionnant dans les festivals, concerts… Elle est le seul commandant du navire à donner une direction à son travail, à sa vie et si les autres suivent tant mieux. Pour sa part, c’est la scène et les tournages qu’elle sent vivre.
Présentement, Jessy B. est bien consciente que sa voix compte pour faire évoluer les choses dans la société. Fille du rappeur King Biggerman, Jessy commence sa carrière à l’âge de 19 ans en signant avec le label Color Optic Studios de Brazzaville. Son premier titre, «Joli bébé», lui vaut un début de notoriété. Une notoriété confortée par un prix aux «Scènes Tremplin Mboté Hip hop» en 2019. En 2020, elle est élue révélation féminine au Brazza Best Awards. Viennent ensuite les freestyles intitulés «PRC» et des titres comme «Je m’en fous», «Ouais je le sais», «Ça va aller», «Moi aussi», «Avec toi», «Ne doute pas». Elle est rapidement saluée par le grand public congolais mais aussi à travers l’Afrique centrale et dans la diaspora. Elle a été nommée en 2023, après le Festival panafricain de musique, meilleure rappeuse de l’Afrique centrale, cette même année, vainqueur du Prix Découvertes RFI.

Alain-Patrick MASSAMBA