Initiée par l’Unesco depuis 2002, la Journée internationale de la philosophie a été célébrée le mercredi 20 novembre 2024. A Brazzaville, le Centre d’études et de recherches chrétiennes (CERC) situé dans les locaux de La Semaine Africaine, a organisé une conférence sur le thème: «La philosophie au service d’un avenir humain durable».

Elle a été animée par l’abbé Docteur Christophe Maboungou, recteur du grand séminaire de philosophie Mgr Georges Firmin Singha, sur le thème: «L’ordre du discours comme approche générationnelle», et le professeur Didier Ngalebaye, maître de conférences de philosophie /CAMES de l’université Marien Ngouabi, sur le thème: «L’importance radicale de la philosophie dans les sociétés en contexte d’oralité».
L’abbé Docteur Christophe Maboungou s’est inspiré de l’ordre du discours de Michel Foucault. Il a indiqué que dans une contribution à l’ouvrage collectif, Michel Foucault (cf «la vérité de mes livres et l’avenir»), Olivier Dekens résume le projet de l’ordre du discours en termes de: Bilan en un sens, mais aussi un programme de travail. «Pour notre part, ayant longuement lu et examiné l’hypothèse de départ qui structure ce texte et conscient que tous, nous tournons souvent autour d’un certain nombre d’expériences et de rationalités dirigées ou commandées par des prises de parole; Michel Foucault pense que la notion de discours est largement présente dans le structuralisme, soit en lien avec le langage, ou plutôt dans les questions d’herméneutique du langage avec la sémiologie ou la philologie. Que ce soit en Eglise (discours théologique, homélies ou prédications); en politique ou en instances d’enseignement (universités, instituts supérieurs); il nous a paru important de le revisiter dans notre contexte où la prise de parole devient de plus en plus engageante, mais aussi risquée.

L’assistance composée des séminaristes, des étudiants, des religieux et religieuses et des chercheurs

La prise de parole se trouve libérée, mais paradoxalement contrôlée en quelque sorte. La notion de discours est largement présente dans le structuralisme, soit en lien avec le langage, ou plutôt dans les questions d’herméneutique du langage avec la sémiologie ou la philosophie». En d’autres termes, l’ordre du discours désigne, en fin de compte, l’ensemble des procédures (de qualification ou de sélection) par lesquels il faut passer pour avoir accès à la parole. «Dans la vie quotidienne, les hiérarchies sont peut-être moins visibles, mais dans un domaine de pratique, l’ordre du discours est très présent. Ainsi, du discours philosophique (1966) au courage de la vérité (1984), en passant bien entendu par l’ordre du discours (1970), Foucault aura tracé, pour la modernité et surtout la postmodernité, un programme: celui d’une liberté qui engage et responsabilise chaque prise de la parole». Mais Michel Foucault nous propose à une prise de responsabilité qui, en régime démocratique, offre à chaque citoyen la grille de sa prise de parole sachant très bien que chaque discours subit le poids d’un encadrement, d’une police, d’une limitation ou d’une délimitation. «Ce texte de Michel Foucault doit nous stimuler, également à comprendre les limites de ce que je dois dire et comment le dire quel que soit le régime de cette discursivité. N’est pas le lieu où l’espace démocratique pour repenser, en Eglise, en politique ou en société, une liberté et un respect assumées de sa prise de parole?».
En rapport avec le thème mondial: «La philosophie au service d’un avenir humain durable» et le thème spécifique: «L’importance radicale de la philosophie dans les sociétés en contexte d’oralité»; le professeur Didier Ngalebaye a fait savoir que la philosophie que les élèves et étudiants apprennent à l’école (lycées et universités) n’est pas celle qu’ils devraient apprendre. En laissant primer l’idéologie raciste sur la nationalité objective, historiquement consacrée, au lieu d’apprendre à penser par eux-mêmes, pour accéder à la vérité, ils ont plutôt été formés à pouvoir réciter, reprendre, commenter et interpréter la littérature philosophique occidentaliste et africanisée, qui repose sur une base théorique erronée, à environ 90%, et fondée sur le postulat de la rationalité occidentaliste (la rationalité mondiale nait avec Thalès au 6è siècle, dans la Grèce antique, et les autres peuples du monde ne font que reprendre et améliorer ce premier geste fondateur), dont l’imposture a fini d’être démontrée (aux colloques du Caire en 1974, de Yaoundé en 2022, et par le nouveau postulat de l’Origi-ment de la rationalité mondiale en 2024. «Quand le système éducatif du pays de votre résidence sera révolutionné de façon à vous permettre d’apprendre la philosophie que vous devriez apprendre (la vérité conformément à l’histoire interculturelle réelle de l’humanité plurielle), alors celle-là révélera toute son importance radicale, pour la vie des individus-citoyens». En conclusion, le professeur Didier Ngalebaye recommande qu’il faut revisiter, réorganiser et généraliser le programme de l’enseignement de la philosophie dans les lycées et universités. La philosophie est incontournable, car elle est au service d’un développement durable.

Pascal BIOZI KIMINOU