A l’occasion de ses 70 ans, le journal catholique, né le 4 Septembre 1952, a organisé une série de conférences portant sur son bilan et ses perspectives d’avenir, dont la voie du numérique.
Je vais dans ces lignes m’intéresser au traitement qu’il fait de la politique.
Depuis sa création la Semaine de l’AEF, la Semaine tout court ou la Semaine Africaine fait l’écho de l’activité politique en Afrique Équatoriale Française. Avec l’évolution des pays et l’avènement des indépendances en 1960, la Semaine consacre un traitement plus spécifique à l’activité politique de la République du Congo.
De quoi traite t-elle en politique ? De l’activité en France Métropolitaine et de l’activité des assemblées locales des colonies et de la Fédération de l’AEF. Les lecteurs suivent les débats des leaders et partis politiques, surtout en France comparant les positions reparties en gauche et droite.
En AEF et au Moyen Congo, les partis se disputent les sièges au Grand Conseil, et aux assemblées territoriales. Les débats portent sur les budgets des colonies et les investissements concernant des infrastructures. Mais il n’y a pas d’enjeu, tout le système est verrouillé par le pouvoir colonial.
Les Oubanguiens, Tchadiens, Gabonais et Congolais appelés à travailler en dehors de leur territoire d’origine, puisent dans la Semaine de l’AEF des informations sur la vie publique et surtout sur les mutations et initiatives prises par le pouvoir français, lesquelles ont un impact certain sur la vie des AEFiens
Dans le territoire du Moyen Congo, trois leaders occupent le champ politique : Jean Félix Tchicaya, Jacques Opangault et l’abbé Fulbert Youlou.
La Semaine de l’AEF consacre une page entière à diffuser les professions de foi du MSA et de l’UDDIA. Le journal aide ainsi les électeurs instruits, ou l’élite, à opérer leur choix à l’occasion des élections législatives de 1959.
Depuis l’indépendance, les régimes politiques au Congo n’ont pas toujours eu des atomes crochus avec l’Église catholique, propriétaire du journal.
Les systèmes politiques de plus en plus autoritaires abhorrent la neutralité et l’indépendance du journal. Le journal renonce à se constituer le relai de propagande des pouvoirs gestionnaires du pays.
Sous le régime de l’abbé Youlou, son ministre Dominique NZALAKANDA ne comprit pas que l’hebdomadaire ne se soit pas engagé à soutenir la candidature de l’abbé Youlou, prêtre de son état. Le ministre semblait ignorer que l’abbé en disgrâce avec la hiérarchie catholique, ne pouvait espérer un soutient quelconque.
La Semaine afficha sa neutralité, et déplut au pouvoir politique. Le seul journal à grande diffusion ne put rendre compte des résultats des élections législatives. Le ministre de l’intérieur refusa que le journal publiât les résultats. Sa crainte en fait fut que le journal analysât ces résultats, permettant ainsi de dévoiler la grosse escroquerie de ces élections car le parti adverse, le MSA qui fit 42% de voix, ne recueillit que 10 députés, alors que l’UDDIA remporta 51 élus.
Le journal plus ouvert, s’engagea dans les commentaires, et de prises de position contre les actions menées par le pouvoir politique dans les années 1964.
En 1959, consécutivement, à la guerre civile de février 1959, le journal dénonça les licenciements des ouvriers de la Mairie, au prétexte qu’ils ne furent pas originaires du Pool. Il argumentait pour faire observer que ces individus remerciés par la Mairie, étaient des individus de condition modeste et que leur licenciement n’arrangeait aucunement le budget de la mairie.

La contestation de la politique du pouvoir révolutionnaire

Avec l’avènement du pouvoir révolutionnaire, qui en Juin 1964 proclama son adhésion au socialisme, le journal prit des positions tranchées face à l’activisme du gouvernement. Le journal sous la direction de l’abbé Louis BADILA dénonça l’embrigadement des femmes, des jeunes, des syndicats dans des structures uniques relevant de parti politique unique, le MNR. On les appelait les organisations de masses.
Les méthodes autoritaires furent décriées dans le journal; le régime par ses médias propres, radio et télévision, inculquait des idées et théories proclamant la supériorité du système socialiste qui luttait pour le bonheur du plus grand nombre, contrairement au capitalisme qui exerçait l’exploitation des travailleurs.
Un journal proche du gouvernement, DIPANDA, financé par les Chinois et tenu par des anciens étudiants de l’université LOMONOSSOV de Moscou distillaient des théories délirantes sur le salut des déshérités.
Ils mobilisèrent des badauds pour détruire le siège d’un journal … proche des syndicats catholiques : MWINDA. Le journal DIPANDA introduisit des méthodes brutales, en dénonçant chaque semaine des manifestations racistes dans les entreprises.
Louis BADILA qui dénonça les méthodes autoritaires privant les Congolais de la libre expression, fut torturé, emprisonné et déféré devant le Tribunal de Grande Instance de Brazzaville pour menées contre révolutionnaires. Le tribunal lui reconnut le droit de critiquer l’action du pouvoir en tant que citoyen. La presse d’état cria au scandale suite à sa libération pure et simple et appela à la lutte contre les ennemis de la révolution. Les juges de l’époque non encore marinés dans l’autoritarisme du pouvoir politique tranchèrent cette affaire sans trembler.
La Semaine Africaine ouvrit ses colones à l’élite pour donner son appréciation sur la marche des affaires. Quand fut constitué le premier gouvernement Congolais conduit par Jacques OPANGAULT en mars 1957, ces cadres ne crurent pas à l’impartialité des ministres sollicités par la défense des intérêts de leur région et de leur ethnie.
La Semaine Africaine devint aussi une grande tribune en 1958, quand Barthélemy BOGANDA, président du Grand Conseil de l’AEF, eut l’initiative de suggérer la création de la République Unie Centrafricaine. Englobant ainsi les anciens territoires de l’AEF, tout en incluant la colonie du Congo Belge à la grande colère du pouvoir Belge. Les colonisateurs y virent une remise en question des accords de Berlin (1885), et aussi une entreprise concoctée par les communistes. Ils faisaient allusion à la conférence d’Accra d’Avril 1958, sous la direction du président Nkruma appelant à la constitution de grands ensembles en Afrique pour mobiliser les moyens de libération. Barthélemy BOGANDA eut beau affirmer son arrimage à la France, et son hostilité au communisme et au péril jaune fut néanmoins victime d’un attentat le 29 Mars 1959. La campagne sur la formation de la République Unie Centrafricaine eut des adeptes et des soutiens largement s’exprimèrent dans la Semaine de l’AEF.
Depuis, La Semaine Africaine de plus en plus reste prudente dans le traitement de l’information politique. Mais elle publie les prises de position des Évêques du Congo opposés à la révision de la constitution.
Dans le contexte de la République du Congo actuel, le journal reste extrêmement prudent. Grâce à cette position elle a fait des vieux os. Et elle ouvre ses colonnes à l’opposition qui s’exprime librement sur le blocage du système démocratique. La Semaine Africaine se rend compte que l’ancien parti unique est devenu le parti majoritaire qui organise les élections pour les gagner avec des scores à la soviétique à 100%. Elle ne fait que le constat des limites de la démocratie, mais il ne revendique pas le rôle d’animer la flamme du multipartisme mort avec les méthodes du parti unique. La Semaine Africaine fait des vieux os grâce à son pragmatisme, et à sa neutralité. Dans une Afrique de potentats, c’est un véritable exploit qu’elle continue de paraître. Les Congolais peuvent se féliciter de son travail d’organe social et politique.