Nous confirmons de jour en jour que nous sommes encore en attente des jours plus sereins où nous pourrons décider dans le respect de nos textes et de nos propres lois. Je fais allusion à ce qui se passe en Côte d’Ivoire, mais il serait présomptueux de penser et d’espérer que, dans les mêmes conditions, nous-mêmes agirions autrement.
C’est devenu notre mal endémique: nos Constitutions sont concoctées pour ne pas résister à la première démangeaison venue. Et comme le Sage énonce que la loi s’applique contre les ennemis mais que, pour les amis elle s’interprète, une bonne Constitution est bien celle qui verrouille le jeu pour les adversaires, mais laisse libre cours à l’inspiration lorsqu’il s’agit de soi.
En Afrique de l’Ouest: au Mali, en Guinée, mais surtout en Côte d’Ivoire, poids lourd de l’économie, les interprétations de texte sont sur toutes les ardoises; les admonestations et les soutiens fusent de partout. Le Président doit-il se présenter ou non? Les militaires du Mali ont-ils eu raison de renverser Ibrahim Boubacar Keita? Ont-ils en cela épousé la cause du peuple?
La Francophonie, qui n’a jamais vraiment pesé dans les votes, a-t-elle raison de condamner un coup d’Etat soutenu par le peuple? Le Président Alpha Kondé a-t-il raison de méditer plus longuement la réponse à une possible candidature en Guinée?
Pour la Côte d’Ivoire, le président Alassane Ouattara renie-t-il sa parole en revenant dans l’arène prendre part au combat qu’il avait officiellement abandonné à son dauphin, malheureusement entre-temps décédé? Le pays a-t-il, moralement, techniquement et politiquement, les arguments valides pour invoquer le renfort de la loi et barrer la voie de la candidature à Laurent Gbagbo et Guillaume Soro qui se tirent à peine de l’empêtrement judiciaire à la Cour internationale de justice de La Haye?
Dans ces trois pays, l’opinion semble divisée en deux camps déterminés à faire triompher, l’un sa lecture et son aspiration à l’alternance, et l’autre sa légitimité sous la portion de Constitution qui ne laisse pas passer les gouttes. Le reste de l’Afrique semble osciller entre eux, se réjouissant tantôt ou craignant que ces slaloms politiques et intellectuels ne donnent des idées aux autres. Crainte vaine et os à ronger: quelle partie de l’Afrique n’a pas connu ses triturations de constitution et ses feintes sur l’air bien connu de: «Je le jure» !
Nous sommes à l’heure des choix. Dans un an, dans deux ans tout au plus, une série d’élections majeures se tiendront en Afrique du Centre et de l’Ouest. Il y a ceux qui les espèrent et les attendent de pied ferme, il y a ceux qui les redoutent et fourbissent les armes, pour le moment virtuelles. Notre sous-région bruit déjà des clameurs caractéristiques d’une élection mouvementée en Centrafrique, au Congo, en RD Congo, au Tchad, au Gabon…
Nous sommes la région avec le plus de champions s’étant proclamés les «vrais vainqueurs». Alors, on surveille les Commissions électorales indépendantes; qu’elles ne soient plus indépendantes d’un centimètre. Au cordeau comme dans le manuel. Le jeu est connu: à la fin du vote, on criera toujours à la fraude et, belle expression, au «déni de démocratie». Par les autres, jamais pas par les siens.

Albert S. MIANZOUKOUTA