Enlevé par les djihadistes en pleine campagne des dernières législatives dans son fief électoral de Tombouctou, le chef de file de l’opposition Soumaïla Cissé a été libéré jeudi 8 octobre dernier, après avoir passé 190 jours, soit 6 mois en captivité. Il a été remis en liberté avec l’humanitaire franco-suisse de Kidal Sophie Petronin capturée le 25 décembre 2016, ainsi que deux otages italiens. De source sûre «tous les otages sont en bonne santé même s’ils doivent rester quelques jours sous surveillance». Aussitôt après leur arrivée à Bamako, ils ont tous été reçus par le nouveau chef de l’État Sem Bah N’daw, en présence du Vice-Président le colonel Assimi Goita et du premier ministre Moctar Ouane.

La semaine de libération de ces désormais ex-otages était pleine de rebondissements de bruits de coulisses. Alors que cela faisait déjà plusieurs jours que la nouvelle de ces libérations était annoncée, mais tout tardait à se concrétiser. Selon une source, c’est la libération «d’environ deux cents prisonniers djihadistes qui devaient servir de monnaie d’échange. Une bonne partie était issue du Groupe de Soutien à l’Islam et aux Musulmans d’Iyad Ag Ghali». L’opération de libération des otages «a été retardée par le fait que certains détenus, dont le GSIM réclamait la libération, manquaient à l’appel», affirme un spécialiste du Mali. Qui regrette que ce soit un compromis qui mette toujours les Maliens en insécurité d’autant qu’un nombre important des bandits libérés continueront à écumer les rues, villages, forêts et savanes du Mali. Il se questionne s’il n’y avait pas «d’autres formes de compromis que de mettre en liberté des hors-la-loi».
Lors de l’enlèvement de Soumaïla Cissé, en mars 2020 dans le cercle de Niafounké, son garde du corps avait trouvé la mort le dernier signe de vie de l’opposant remontait au mois d’août dernier, lorsqu’une lettre écrite par ses soins était parvenue à sa famille par l’entremise du Comité International de la Croix-Rouge. Cette libération «est un grand soulagement pour le peuple malien», affirme un partisan de Soumaïla Cissé avant d’ajouter : «Il faudra également saluer la libération de Sophie Petronin, une femme exceptionnelle engagée pour la cause des plus fragiles au Mali».
Cette libération a donné lieu à un emballement médiatique exceptionnel où les fake news le disputaient aux supputations de toute nature. Et pour un observateur, les autorités de la transition «ont réussi un coup de maître là où le régime précédent s’était essayé sans engranger le moindre succès». «Le gain politique immédiat est l’augmentation de leur capital de sympathie auprès des populations». «Ces effluves de joie masquent difficilement le fait que cette libération, dont on ignore encore tous les dessous, a été chèrement payée. Des centaines de terroristes ont été relâchés dans la nature. Il faut s’attendre à ce que ces fanatisés aillent à nouveau se ressourcer aux sources les plus profondes du radicalisme pour revenir semer, à tout vent, mort et désolation dans toute la sous-région», se lamente l’observateur.
Grâce à cette libération et à son retour triomphal sur la scène politique malienne, Soumaïla Cissé président de l’URD, pourrait surfer sur cet élan de popularité pour aller à la conquête du Palais de Koulouba. Sachant que l’opposant est déjà arrivé deuxième à trois reprises lors d’élections présidentielles, et que sa libération avait été associée aux revendications de la coalition hétéroclite du Mouvement du 5 juin, fer de lance de la contestation qui a conduit au coup de force du 18 août dernier.

Gaule D’AMBERT