C’est à Lagos au Nigeria que Marie Bella, grande vedette de la chanson congolaise, trouva la mort accidentellement, lundi 6 août 1979. Marie Bella avait séjourné pendant trois mois en Afrique occidentale, où elle s’occupait de musique sous la direction de Fela Ransone Kuti, vedette nigériane. La nouvelle de la mort de Marie Bella surprit le milieu culturel congolais, qui n’était pas informé de sa sortie. Marie Bella avait effectué de nombreux voyages en Chine et en Afrique, et notamment au Nigeria. Un pays qu’elle avait choisi, après sa participation au 2è Festival mondial des Arts Négro Africains de Lagos en 1977, auquel, elle avait pris part, en compagnie de Joséphine Bijou et Carmen Essou. Cette installation avait pour but de continuer à se perfectionner pour réaliser une carrière internationale. Malheureusement, son séjour ne sera que de courte durée ; elle payera de sa vie son talent et son succès.

Marie Bella (Marie Bélé à l’Etat-civil) naquit vers 1938 à Yaba (district d’Ewo, actuel chef-lieu du département de la Cuvette-Ouest). Inspirée par les ‘’Diabwa’’, groupe chorégraphique célèbre elle se consacra à la chanson. Elle constitua autour de son groupe d’accompagnement un genre à part, considéré comme tradi-moderne. Elle sut miettre dans ses interprétations toute la nostalgie des deux départements de la Cuvette et de la Cuvette-Ouest à travers des rythmes traditionnels afférents aux folklores des ethnies ‘’makoua’’, ‘’kouyou’’ et ‘’téké’’, du district d’Ewo. Pour la postérité, elle laissa un 45 tour constitué de deux compositions : ‘’Opina tsengue’’ et ‘’Itouyi Kambi’’. En vérité, Marie Bella fut au départ danseuse de ballet, puis chanteuse de groupe vocal, d’orchestre et show-woman. En dehors de son 45 tours, elle eut comme principales œuvres: ‘’Bibunda bia bola meno’’ ; ‘’d’Afigni-e-tse-tsengue’’ ; ‘’Oloyina’’ ; ‘’Kosso boa’’, etc. Lomé, Dakar, Lagos, Bangui, Libreville, Kinshasa avaient pu apprécier la qualité de ses œuvres.
Artiste-musicien de renommée internationale, au talent exceptionnel, le Camerounais Francis Bebey l’avait beaucoup appréciée pour l’originalité de ses œuvres. Dans une interview accordée à (La Semaine Africaine n° 1334 du 4 au 10 janvier 1979) Francis Bebey avait dit de Marie Bella : «J’ai rencontré à Pointe-Noire une jeune femme qui s’appelle Marie Bella, bon on me dit que cette fille n’a aucun succès au Congo parce qu’elle chante une musique qui n’a rien à voir avec la rumba. Elle est venue avec ses musiciens. Ils m’ont joué quelques-unes de leurs pièces. Et je me dis que, peut-être, c’est l’une de seules personnes en ce pays-ci qui est en train de chercher dans la bonne direction, parce que qu’est-ce qu’elle fait ? Elle joue sa musique sur des instruments européens (qui peut le plus, peut le moins n’est-ce pas ?) avec des instruments qui sont capables d’exprimer beaucoup plus de choses que des instruments africains. Il faut bien l’avouer. Mais cette musique, elle est allée la puiser dans son village natal du nord du pays, et elle est en train de faire un travail auquel j’invite tous les Congolais à faire attention, parce que cette fille-là, elle peut représenter le Congo hors du Congo : on saura, en entendant sa musique, qu’il y a un cachet congolais. Tandis que tous les orchestres actuellement en vogue, ils joueront des rumbas et quand ils seront à l’extérieur on dira : « Mais ce sont des imitations de Cuba qu’ils font là » (…)
La dépouille mortelle de Marie Bella arriva à Brazzaville le jeudi 23 août dans la nuit. Le lendemain, un cortège constitué de la quasi-totalité des membres de l’Union nationale des écrivains et artistes congolais (UNEAC), des autorités publiques et administratives, attristés, l’avaient accompagné au siège de l’arrondissement n° 3 Poto-Poto où son corps avait été exposé pour un dernier hommage mérité. Samedi 25 août, la dépouille avait été transférée à Ewo, son district natal où elle repose en paix depuis quarante et un an aujourd’hui pour l’éternité.

Alain-Patrick
MASSAMBA