La fête de l’indépendance est passée. Avec la COVID-19 rodant, les festivités n’ont pas connu les fastes, c’est-à-dire les débordements des autres fois. En principe, les caisses de l’Etat sont restées loin des tumultes habituels et des saignées pour couvrir des frais de jouissance. La maladie nous a contraints à une sobriété dans la gestion et le comportement. Dûssions-nous continuer ainsi !
Nous avons suivi le discours du Président de la République, et les allocutions et commentaires de beaucoup ainsi que les différentes prises de position des leaders de différents bords. Il s’en dégage, sauf chez le Chef de l’Etat et le Premier ministre peut-être, un pessimisme assumé et une morosité de rigueur. Le Congo a célébré ses 60 ans d’indépendance et a passé en revue soixante années de flop en beaucoup de domaines.
Il était du devoir du Président de nous exhorter à l’espérance pour les 10 prochaines années. Il était de bon ton aussi de nous rappeler les statistiques de notre souveraineté ramassée à bas prix. On oublie trop souvent, en effet, le calvaire que représentait hier un voyage par route de Brazzaville à Pointe-Noire et Ouesso. Il y a quarante ans, un élève obtenant le BEPEC était condamné à la transhumance vers les grandes villes pour la suite de ses études par manque de lycées.
Et, en matière d’eau, d’électricité et de nouvelles technologies de communication, il est indéniable que nous ne pouvions pas en rester aux quelques robinets installés par la colonisation dans les quartiers du «centre-ville». Ne serait-ce que parce que notre population a grandi, que nos villes se sont étendues, nos besoins accrus. Les budgets consacrés aux fonctionnaires en 1960 sont ridicules au regard des exigences d’aujourd’hui. C’est un fait.
Mais ce rappel, honnête puisse-t-il être, ne doit pas masquer la dure réalité du moment. Si des facilités se sont ajoutées là où elles étaient nécessaires, rarement elles se sont additionnées au peu que nous avions avant pour se mettre en addition. Nous avons plus d’écoles, de collèges et de lycées mais c’est comme si nous avions juste voulu faire du nombre. Nous avons plus d’hôpitaux et de centres de santé certes, mais la chloroquine n’y est ni disponible pour les enfants, ni gratuite. Le ressenti des populations est qu’on y rencontre même plus la mort que la vie.
De sorte que, statistiques contre statistiques, celles d’il y a soixante ans donnent l’impression d’être les meilleures. Pour un Congolais qui n’a connu de la colonisation que ce qu’on lui en a dit, il est ahurissant que ses grands parents aient vécu mieux sous le joug que dans la liberté recouvrée. Il est en droit d’attendre attention et service. Alors, un travailleur allait en retraite plus gaiement. Aujourd’hui, c’est presqu’une condamnation à mort !
Il nous faut faire le choix de croire que nos failles seront sans doute comblées un jour. Mais il nous faut un véritable réalisme aussi pour cela, car les signes de la volonté de mieux faire; que ce que nous vivons aujourd’hui préfigure le mieux de demain, sont incertains. Mis en face des responsabilités de gestion, nous continuons à nous conduire comme si nous devions servir en pays étranger, et tout dilapider de suite.
Nous venons de célébrer les 60 ans de notre indépendance, mais il n’en découle rien pour nous faire prendre les décisions les plus vertueuses demain. Nos discours sont bien policés, nos actions toujours marquées du sceau de l’à-peu-près. A l’hôpital, le Congolais sera toujours accueilli à coups d’injonctions dédaigneuses. A n’importe quel guichet, il continuera à être accueilli par des assermentés qui regarderont plus la montre que le service à rendre.
La rentabilité ne sera exigée nulle part, et tout le monde attendra des miracles. Passée la fête, nos cases retrouveront des assiettes vides. Comme avant. Dans 60 ans, ce sera mieux?
Albert S. MIANZOUKOUTA