De retour au pays après trois mois d’absence passés en France, Mathias Dzon, président de l’Alliance pour la république et la démocratie (ARD), a marqué son entrée politique par une conférence de presse. Le 8 avril dernier au siège de la plateforme, à Ouenzé et aux côtés d’Elo Dacy et Raymond Mviri, l’opposant s’est indigné de la recrudescence de la délinquance financière dont le dernier épisode est constitué par l’assèchement du Fonds d’impulsion, de garantie et d’accompagnement (FIGA), mais aussi l’aggravation de la crise économique et financière qui plombe le pays et l’incapacité, selon lui, du Gouvernement à la juguler.

Comme à l’accoutumée, les conférences de presse de l’ARD sont devenues des meetings en salle. Les militants et sympathisants viennent nombreux pour étancher leur soif de savoir les derniers développements de la vie nationale.
Pour la dernière rencontre avec les journalistes, Mathias Dzon n’a pas fait de quartier au pouvoir, sa cible privilégiée. Dans le mot préliminaire lu par Elo Dacy, l’ARD a fait relever que le Congo traverse une zone de turbulences, car «plombé par une crise morale, économique financière, sociale, démocratique, sécuritaire et électorale gravissime et sans précédent dans son histoire récente».
Une affirmation qu’elle a tenté de justifier par l’effondrement de l’économie, l’inflation galopante, la recrudescence des comportements individuels et collectifs déviants, l’enrichissement illicite et scandaleux des tenants du pouvoir, l’extrême pauvreté des populations, la fracture sociale, la déliquescence de l’unité et de la concorde nationale, la familiarisation du pouvoir, la montée en flèche du népotisme, de l’ethnocentrisme, de la préférence ethno-régionale, l’appropriation clanique des postes de responsabilité au sommet de l’Etat, les velléités de succession dynastique,..
L’ARD estime que le pays n’est plus gouverné. «Le Gouvernement passe le plus clair de son temps, tantôt à festoyer, tantôt à tenir de nombreuses réunions inutiles, tantôt à se réfugier dans le mensonge et l’auto-valorisation, tantôt à simuler, à dissimuler, à ruser avec l’opinion nationale et internationale, à bluffer pour que la confusion s’installe».
Sur le plan éthique, l’Alliance pense qu’à tous les étages de la société, l’argent facile est devenu le moteur de l’action. «Mus par la recherche effrénée du confort matériel et du luxe, les tenants du pouvoir et les consciences insuffisamment affranchies investissent toutes leurs énergies dans les comportements atypiques et délinquants: culte de l’argent, goût immodéré de la fête et de la luxure, vols à mains armées, braquages de domiciles privés, viols, prostitutions, pédophilie, homosexualité, inceste, consommation abusive d’alcool et de drogues diverses, assassinats gratuits, crimes rituels, grand banditisme, cybercriminalité…Dans les hautes sphères du pouvoir, ceux qui devraient prêcher par l’exemple et être des modèles d’identification pour les citoyens en général, les jeunes en particulier, sont passés champions dans la catégorie des délinquants en col blanc et s’illustrent par des comportements déviants: trafic d’influence, concussion, corruption, détournement des deniers publics, etc.».
Pour les leaders de l’ARD, la perte du sens des valeurs n’épargne pas l’opposition, au sein de laquelle de nombreux acteurs pratiquent la politique du ventre et se vendent au plus offrant. «Ils mangent à tous les râteliers et changent de camp chaque fois que le pouvoir change de main. La journée, ils critiquent le pouvoir, le soir venu, ils rasent les murs et vont à la soupe à M’pila. Ils ne sont pas portés par des valeurs et ne sont préoccupés que par la recherche de l’argent facile. Ils forment ce qu’on appelle: l’opposition alimentaire».
Face à l’effondrement des valeurs fondamentales qui structurent une société démocratique et morale, l’ARD pense qu’il est urgent d’œuvrer à la moralisation de la vie politique et publique à travers la restauration des règles morales et des valeurs républicaines; la vulgarisation des principes de la bonne gouvernance pour garantir l’intégrité des structures politiques et limiter les risques de déviance; l’élaboration d’une loi contre le trafic d’influence, la concussion, la corruption, les détournements des deniers publics, l’enrichissement illicite, la promotion des actions sur les individus par l’adoption et la mise en œuvre d’un code d’éthique de l’acteur politique articulé sur les valeurs d’abnégation, de dévouement à l’intérêt général, du devoir de vertu, du sens de la dignité et de l’honneur, de l’amour de la patrie, la réhabilitation de la culture de la sanction pour punir tous les Congolais coupables de comportements délinquants graves, quelles que soient leur position sociale et leur appartenance politique, idéologique, familiale, ethnique ou religieuse.
Dans les domaines économiques et financiers, l’ARD estime que la crise se manifeste par plusieurs signes annonciateurs parmi lesquelles l’effondrement économique, une gestion opaque des finances publiques, la délinquance financière à tous les étages; des emprunts exorbitants gagés sur la production future du pétrole; la gouvernance calamiteuse et opaque de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC); le non-rapatriement au Congo par la SNPC des revenus générés par le pétrole; des marchés publics attribués de gré à gré en lieu et place des appels d’offres transparents; les prises illégales d’intérêts par les tenants du pouvoir, via des prête-noms libanais, chinois, indiens, rwandais; la très forte dépendance alimentaire du pays par rapport à l’extérieur; la faillite de toutes les entreprises publiques; l’incapacité de l’Etat à assurer le paiement courant des salaires, les pensions de retraite, les bourses des étudiants, la dette sociale et commerciale.

Des dénonciations

L’ARD a édifié l’opinion sur les dérives et scandales économiques orchestrés par le pouvoir. Pour elle, les énormes revenus générés par le pétrole de 2003 à 2014, dont le montant varie entre 60 mille et 100 mille milliards de F.CFA, n’ont pas été réinvestis dans les autres secteurs de l’économie, aux fins d’élargir la base productive. Ils n’ont pas produit des effets d’entraînement positifs sur les autres secteurs. De même, les 14 mille milliards de F.CFA d’excédents budgétaires, engrangés entre 2003 et 2014 et dédiés aux générations futures, se sont envolés vers les paradis fiscaux, dans des comptes privés des tenants du pouvoir.
Depuis 1998, les revenus de l’exportation du bois n’étaient pas reversés au Trésor public, occasionnant un important manque à gagner de recettes pour les finances publiques. Aujourd’hui, la gestion transparente et vertueuse des revenus du bois demeure encore problématique. Il en va de même des revenus pétroliers dont on ne retrouve pas les traces au Trésor public.
Les leaders de l’ARD ont également dénoncé la gestion des finances publiques, articulée sur la gabegie, les dépenses somptuaires et non prévues au budget, une masse salariale artificiellement gonflée par la prise en charge par le budget de l’Etat de nombreux fonctionnaires fictifs, d’une pléthore d’institutions politiques budgétivores et inutiles, le paiement injustifiable de salaires fonctionnels par l’Etat à tous les responsables des instances dirigeantes du PCT et de ses organisations de masse, les innombrables missions effectuées à l’extérieur par les tenants du pouvoir, le financement indu par le Trésor public des campagnes électorales coûteuses des candidats du pouvoir aux élections nationales, le train de vie dispendieux de l’Etat: «Le pillage des ressources publiques est devenu un sport national», dénoncent-ils.

KAUD