Il y a comme une vague de xénophobie dans l’air. A la faveur d’un projet de loi en voie de discussion au Parlement de Kinshasa (RDC), les élus vont devoir se prononcer pour ou contre des dispositions sur l’accès à la citoyenneté. Et donc d’accès à la compétition pour devenir un élu. De grandes manœuvres sont remuées : il faut être de père et de mère congolais pour accéder à la magistrature suprême.
La mesure est assez minoritaire pour l’heure. Les commentateurs avancent même qu’il n’y a aucune chance pour qu’elle passe le seuil du Parlement tant elle semble cousue de fil blanc pour écarter des rivaux «connotés» du pouvoir. Cette «trouvaille», vieille comme une Côte d’Ivoire en guerre, semble une allumette dans une poudrière. Il suffit d’un rien pour que tout s’embrase, et que l’explosion secoue les fragiles équilibres des pays voisins.
D’autant plus qu’elle intervient dans un contexte de tension et de xénophobie ouverte. La guerre dans l’Est de la RDC est alimentée, soutenue ou attisée par le Rwanda au travers de la rébellion du M-23. C’est lui qui a mis à feu et à sang des provinces comme le nord et le sud Kivu, occasionnant une véritable saignée parmi les populations civiles qui n’en demandaient pas tant. La misère et la pauvreté ataviques de nos régions étaient déjà autant d’afflictions, il fallait que les rebelles en rajoutassent.
Alors, ouvertement on s’en prend à «l’ennemi rwandais». L’agitation autour de l’origine de telle communauté, de tel président de la République, de tel dirigeant n’ajoutent rien de qualitatif dans la lutte contre le sous-développement. Elle ajoute seulement des raisons de ne pas croire en nous-mêmes. De rejeter sur l’étranger, les tares de nos mal-développements. Dans d’autres parties de l’Afrique où on mouline les fermetures des radios ou des télévisions étrangères, la cible indiscutée des irrédentismes religieux en éveil semble toute trouvée : l’ancienne puissance coloniale.
Même dans un pays comme la Tunisie, traditionnellement en fraternité avec l’Afrique subsaharienne, le président n’a pas trouvé mieux que de se distinguer « de l’Afrique» et de rejeter sur « les Africains » la responsabilité de la montée des délinquances chez lui. Il a suscité un tollé. Des pays sont allés jusqu’à expulser ses concitoyens de villes africaines où ils étaient établis, parfois depuis longtemps.
La xénophobie et le racisme sont des cancers. Le tribalisme aussi. Les laisser prospérer au sein de nos sociétés sous prétextes de revanches à prendre sur l’Histoire, de sauvegarde des pouvoirs ou de manifestations de plus de souveraineté trouveront bien vite leurs limites et ne régleront rien.

Albert S. MIANZOUKOUTA