L’Association congolaise pour la défense des droits du consommateur (ACDDC) a saisi un cabinet d’avocats depuis le 3 janvier 2023 pour solliciter l’abrogation de la loi n°16-2001 du 31 décembre 2001 relative à la redevance audiovisuelle (RAV) après un audit. Cette loi était instituée pour appuyer financièrement les programmes de télévision et radio Congo, ainsi que pour les équipements de la télédiffusion (TDC), afin de satisfaire les besoins des consommateurs de ces médias. En 14 ans, à partir de l’année 2002, le montant de la RAV pourrait être estimé à 12 milliards 505 millions 780.000 francs CFA. Malheureusement, les ayant droits jusque-là ne sont jamais rentrés en possession de cette redevance de façon régulière. Cette loi mérite d’être abrogée. Dieudonné Moussala, le président de cette association, en donne les raisons. Interview.

* Pourquoi cette position de l’association?
** Au sortir des événements connus par le pays en 1997, tous les secteurs étaient dans une situation difficile, particulièrement le secteur des médias. Face aux interrogations d’un ami qui était un responsable au niveau des médias, Ekia Akoli Wamené, qui n’est plus de ce monde, nous avions échangé pour faire une proposition avec l’appui des consommateurs de mettre la main à la poche pour aider ce secteur pour une année. Cela fut fait. Une loi a été prise pour faire en sorte que le consommateur paye à partir des quittances de la société d’énergie un montant pour aider la presse. Vous êtes sans ignorer que l’information est le premier produit de consommation. Fort de cela, nous avons pensé qu’un effort pour une année permettrait au secteur de l’information de se refaire un peu pour mettre sur le marché les produits de qualité. Mais, depuis 2002 jusqu’à ce jour, nous constatons qu’au niveau des médias le produit qui nous est servi est toujours un produit médiocre. C’est pourquoi nous nous sommes dits, nous donnons quelque chose aux médias, pourquoi ils ne peuvent pas s’améliorer. Enfin de compte, en faisant des investigations, nous nous rendons compte que les médias ne rentrent pas en possession de ce que nous mettons à leur disposition. Nous avons entrepris des démarches auprès des autorités pour arriver dans la recherche des solutions à cette question. Nous avons eu l’oreille attentive du défunt Premier ministre Clément Mouamba, qui avait mis en place une commission qui nous a permis de mettre un peu de l’ordre. Des propositions étaient faites. Au départ, la loi parlait des médias publics. Nous avons pensé que c’est tout le monde qui nous informe, le public et le privé. Au cours des échanges, on s’est accordé que cette redevance devrait revenir à tous les professionnels des médias publics comme privés. Mais, on ne pouvait pas aussi intéresser tout le monde dans le désordre. Il fallait prendre certaines dispositions, mettre des conditions pour pouvoir bénéficier de cette RAV. Sinon tout le monde pouvait se déclarer journaliste. Nous avons fait de projet de décret et de projet des textes d’application de ce décret. Malheureusement, nous avons perdu le Premier ministre. C’est pourquoi, nous pensons que celui qui l’a succédé doit s’en occuper, en tenant compte le fait qu’il y a la continuité de l’Etat. Nous avons attendu la réaction du Premier ministre actuel qui n’arrive pas à faire évoluer le dossier, malgré tous les efforts que nous faisons pour faire avancer ce dossier. C’est pourquoi nous pensons qu’on abroge cette loi. Une fois cette démarche entamée, il faudrait le faire après un audit pour qu’on sache ou est allé cet argent, comment on a collecté cet argent et combien on a pu collecter jusqu’aujourd’hui depuis 2002, date où la loi est entrée en vigueur.

* Avez-vous saisi un avocat?
** Dans ces conditions, nous avons dit que nous sommes dans un Etat de droit. Nous sommes convaincus que les autorités sont censées connaître le droit. C’est pourquoi nous passons par la voie légale en prenant un avocat avec qui nous avons échangé. Il nous a donné la démarche à suivre. Il a écrit au Premier ministre pour susciter une rencontre pour voir comment débloquer cette situation. Aujourd’hui, nous attendons qu’au niveau du cabinet du Premier ministre les gens essaient de bouger.

* Est-ce que votre démarche a réuni le ministère de la Communication et des médias, le Conseil supérieur de la liberté de la communication et les associations des consommateurs?
**Justement, nous appelons tout le monde à mettre la main à la pâte pour que les médias rentrent dans leurs droits. Ce n’est pas de l’argent qu’on peut donner comme ça pour que quelqu’un s’en approprie pour en faire ce qu’il veut. Nous avons essayé d’extrapoler, en 14 ans de collecte depuis 2002, le consommateur a mis à la disposition des médias 12 milliards 505 millions 780 mille francs CFA. Il faudrait qu’on nous explique qui en a bénéficié. Si ce sont les médias, nous pensons que nous devons arrêter parce que les médias ne mettent pas à notre disposition un produit de qualité. Nous le faisons pour que les médias se mettent à niveau pour donner aux consommateurs un produit digestif.

* Pourquoi avez-vous attendu tout ce temps pour vous réveiller et revendiquer des produits de qualité des médias?
** On n’a pas attendu. Mais, nous savons que l’administration fonctionne. C’est un acquis pour les médias. Nous sommes surpris qu’ils soient muets et aussi tétanisés. On ne comprend pas pourquoi devant quelque chose qui leur appartient et les médias sont affables sans dire mot. Il a fallu que nous, en tant qu’organisation de la société civile, venions booster les médias. Le message, c’est de demander aux journalistes de saisir cette occasion pour faire que cet argent revienne aux médias de plein droit. Là nous apprenons que dans la loi des finances 2023, le Gouvernement a prévu 150 millions de francs CFA pour la presse. Bien que dérisoire, c’est quand même quelque chose qui vient s’ajouter à la RAV. Il faut que cela soit bien géré. Nous appelons Monsieur le Premier ministre à se saisir de ce dossier. Les projets sont déjà là. C’est à lui de faire mouvoir son cabinet pour que nous puissions nous asseoir et prendre les décisions qui s’imposent pour que tout le monde puisse être à l’aise.

Propos recueillis par
Philippe BANZ