Dr. Christian NDOMBI, Conseiller régional pour la Culture en Afrique centrale, UNESCO

Les avis divergent d’un pays à un autre mais aussi d’un spécialiste à un autre. Il s’agit en réalité d’une question importante et longtemps controversée qui mérite des éclaircissements préalables pour permettre une prise de position en toute connaissance de cause. Sans doute, le problème est complexe et il se pose depuis plusieurs années. Et s’il nous arrivait justement de paraphraser SENEQUE qui disait : «Ce n’est pas parce que c’est difficile que nous n’osons pas, c’est parce que nous n’osons pas que c’est difficile». Alors nous allons oser dénouer la complexité de ce problème de Restitution et ou de Retour des biens culturels en Afrique.
Il s’agit aujourd’hui d’un problème d’actualité depuis le discours du Président Macron à Ouagadougou.
Des objets culturels qui appartiennent à différents pays africains sont dans des musées, édifices publics à travers le monde, dépossédant l’Afrique d’une partie de son patrimoine.
Combien sont-ils? Où sont-ils exactement? A qui appartiennent-ils? Comment sont-ils arrivés là? Autant de questions qui ont souvent des réponse «volontairement» évasives. Certains inventaires, sans doute sommaires, révèlent des données. Mais tous ces chiffres sont en de ça de la réalité car il y’a en réalité plusieurs catégories d’objets :
– Des objets pillés, illicitement exportés
– Des objets vendus
– Des objets donnés en cadeau à des hôtes de marque
– Des objets qui se trouvent dans des collections privées
Autant un Etat peut, nonobstant sa législation dans ce domaine, prendre la décision de restituer des biens culturels qui en réalité ne lui appartiennent pas et qui se trouvent dans ses musées, autant il ne peut pas décider de ce qu’il faut faire des objets qui sont dans des galeries et collections privées pour lesquelles une autre démarche s’impose. Comment doit-on procéder à l’égard des hautes personnalités et hôtes de marque qui ont reçu des biens du patrimoine des pays africains en cadeau ?
Aucune Convention, ni celle de l’UNESCO de 1970 concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l’importation, l’exportation et le transfert de propriété illicites des biens culturels, ni celle d’UNIDROIT de 1995 sur les biens culturels volés ou illicitement exportés ne règle le problème de la Restitution et ou du Retour des biens culturels. Les deux concepts sont complémentaires mais distincts.
Lorsque nous parlons de restitution, il faut entendre qu’il s’agit d’abord de reconnaissance et de rendre les objets aux pays africains propriétaires qui doivent pouvoir disposer des biens de leur patrimoine. Ne perdons pas de vue que ces objets « illicitement» exportés sont dans des musées mais également dans des galeries et collections privées à travers le monde. Il y a ensuite le problème du retour de ces objets en Afrique. Aucune Convention ne règle non plus ce problème. A qui revient la charge d’assurer le retour de ces objets une fois restitués ?
On a tout entendu et en particulier des personnes qui, subtilement, s’opposent ou encore ont des réserves pour la restitution de ces objets qui viennent d’Afrique, arguant que les pays africains n’ont pas les infrastructures d’accueil (musées, laboratoires…) ni des personnels suffisamment qualifiés pour la conservation ou la restauration.
Que faire dans ce cas ?
Se limiter à la restitution comme le suggèrent certains ? Dans ce cas les objets resteraient encore quelque temps en attendant que les pays soient «équipés».
Revendiquer la restitution et le retour et prendre des dispositions pour pallier le problème des infrastructures et de la formation du personnel des musées nationaux, reste une des voies sur lesquelles les pays africains doivent prospecter et réfléchir.
Les pays d’Afrique sont face à leur responsabilité : Restitution et Retour ou «Revendication graduelle». Revendication individuelle ou collective ?
Posé en ces termes, le problème de la Restitution et ou du Retour des biens culturels en Afrique mérite à la fois réflexion et engagement coordonné des pays d’Afrique, ce qui ne semble pas le cas pour l’instant dans la plupart des pays. Les enjeux sont grands voire très grands et sérieux. Il faut sans doute poser les jalons de la négociation avec les différends détenteurs des biens culturels d’Afrique en ayant à l’esprit un adage ancré dans les fondamentaux de la culture africaine: «un seul doigt ne permet pas de nettoyer le visage ».