C’est un sentiment général de démobilisation qui sourd du peuple. Nous savons que la situation s’améliorera un jour, il nous faut avoir un peu d’optimisme. Car l’espérance est toujours la dernière à mourir. Donc, nous savons que nous sommes en plein marasme économique, et qu’à l’étape où nous en sommes, il y a plus de signaux négatifs que de données incitant à penser à des lendemains meilleurs. Le Congo était résilient en 1977; lorsque nous vivions d’espoir et de criquets et que nos dirigeants nous bassinaient que c’était pour des lendemains heureux.
Aujourh’hui, tout le monde, plus ou moins, s’est improvisé économiste, statisticien, diplomate, agronome, ingénieur, météorologue et même sportif. Et par-dessus les palissades, les voisins se donnent les nouvelles de ce qui n’est même plus une cour de récréation: «Vous avez appris qu’à la Banque postale, on a soustrait plusieurs milliards?», «que tel ministre va être arrêté ou convoqué à la CID?»; «que tel parent se la coule douce en France avec des sacoches de billets?». Ces nouvelles, qui ne sont pas toutes vraies tout en n’étant pas toutes fausses, sont commentées, augmentées, exagérées.
C’est que la situation est grave, mais nous ne savons pas de quelle profondeur est la crise. Alors, le Congolais se livre à un jeu qui n’est pas de la résilience: faute d’informations, on s’en invente. Comme s’il était plus rassurant de jongler avec un monstre que de le savoir là, tapis dans l’ombre. Le Président n’a pas été vu à tel sommet international? C’est la crise. Il a pris l’avion vers une direction inhabituelle? C’est la crise. Les ministres sont interdits de déplacement jusqu’à fin décembre? La crise. Le FMI a écourté un quelconque sourire protocolaire? La crise. Il y aurait 5 ambassadeurs étrangers en attente d’accréditation? La crise!
Dans la chaleur qui plombe une atmosphère tournant souvent à l’orage, on ne sait plus quoi scruter: l’horizon, le thermomètre? Lequel? Comment retrouver le sourire lorsque même le sport ne nous annonce que des défaites pesantes au football? Et que même la FIFA nous menace de sanctions: cancres et en indisciplinés, c’est la double peine. Alors, contentons-nous de choses qui d’ordinaire ne font pas vraiment la Une des dazibao: le directeur de la Société nationale d’électricité est un bon danseur, me disait un voisin avec force détails. Comme s’il voulait me convaincre qu’à défaut de nous fournir en électricité constante, il excellait à nous apporter le sourire comme jongleur. Même dans le noir: c’est déjà ça!
Albert S. MIANZOUKOUTA